Entre 2000 et 2005, Antony Cordier était l’un des espoirs du cinéma français, grâce à un documentaire autobiographique et juste sur sa situation de transfuge de classe (Beau comme un camion, 2000) et un premier film de fiction prometteur sur un trio amoureux issu de classes sociales différentes (Douches froides) qui se trouvait déjà à la Quinzaine des réalisateurs. En effet, Antony Cordier, venant d’une famille ouvrière, est particulièrement sensible à cette question de lutte des classes, même s’il ne la traite pas forcément dans tous ses films. Vingt ans après Douches froides, Antony Cordier retrouve la Quinzaine des Cinéastes avec Classe moyenne, une satire qui se voudrait cruelle et mordante sur une opposition entre des propriétaires bourgeois et des gardiens quasiment prolétaires.
Mehdi El Glaoui (Sami Outalbali), avocat d’affaires fraîchement diplômé, passe l’été chez ses futurs beaux-parents dans leur villa dans le sud de la France. Il assiste au conflit entre la famille de sa petite-amie Garance (Noéé Abita) et les gardiens de la villa, Tony et Nadine Azizi (Ramzy Bedia et Laure Calamy). Comprenant la situation vu qu’il vient d’un milieu modeste, et espérant obtenir un stage dans le cabinet de beau-papa Philippe (Laurent Lafitte) et les bonnes grâces de belle-maman Laurence, actrice vedette (Elodie Bouchez), il tente le tout pour le tout pour mener à bien les négociations entre les deux parties. Mais la situation s’envenime.
Faire une comédie ne s’improvise pas, et même en travaillant, tout le monde ne devient pas Billy Wilder.
Après le documentaire et le drame Coming of age, sur la thématique de la lutte des classes, pour son troisième film sur ce sujet, Antony Cordier s’essaie à la satire sociale, opposant deux catégories irréconciliables. En effet, entre les Trousselard (nom d’origine de Caroline Ducey), grands bourgeois nantis et les Azizi, gardiens employés des Trousselard, le torchon brûle. L’opposition attendue entre des groupes socialement opposés comme les Groseille et les Le Quesnoy engendre fatalement des situations comiques prévisibles. Pourtant le tempérament comique ne s’improvise pas. Malheureusement Antony Cordier s’avère largement plus doué pour le drame ou la fantaisie légère (le très Wes Andersonien Gaspard va au mariage) que pour la comédie. Quelques problèmes de tempo comique ou de situations trop appuyées (l’évier bouché) montrent ainsi les effets du film tomber à plat et tourner à vide, Faire une comédie ne s’improvise pas, et même en travaillant, tout le monde ne devient pas Billy Wilder.
Les acteurs ainsi que leur direction ne se trouvent pas en cause. Certes certains ne quittent pas leur zone de confort mais l’occupent plutôt efficacement. : Laurent Lafitte, parfois jouissif dans son autosatisfaction et la suffisance de son personnage, ou Laure Calamy, dans son registre de femme du quotidien. Là où le bât blesse, c’est que l’option prise par le metteur en scène d’un « tous pourris » généralisé, ne laisse aucune chance aux personnages de nous émouvoir, tant ils se complaisent dans leur amour de l’argent, quelle que soit leur classe sociale. La comédie évolue donc de manière inéluctable vers le jeu de massacre, sans que personne ne tire son épingle du jeu, hormis Mehdi le médiateur (bien interprété par Sami Outalbali), seul véritable représentant de la classe moyenne du titre du film.
Mais le film décide de manière regrettable d’orchestrer le sacrifice de la classe moyenne, sacrifice qui apparaît très lourdement métaphorique, ne permettant pas de préserver la dose nécessaire d’idéalisme pour une possible résolution heureuse. Le jeu de massacre devient alors total et le cynisme est célébré, sans la moindre issue de secours. Faire de la classe moyenne l’ultime sacrifiée de la lutte des classes n’a guère de sens, puisqu’elle domine largement les catégories sociales de nos jours. Rajoutons à cela que la mise en scène se trouve étrangement aux abonnées absentes, le manque d’imagination dans la disposition des cadres n’aidant nullement à rendre le contenu passionnant. Le pessimisme ne va pas trop à Antony Cordier que l’on a connu sous de meilleurs jours. Espérons qu’il y reviendra.
Note : 2.
RÉALISATEUR : Antony Cordier
NATIONALITÉ : française
GENRE : comédie
AVEC : Laurent Lafitte, Elodie Bouchez, Ramzy Bédia, Laure Calamy, Sami Outalbali, Noéé Abita
DURÉE : 1h35
DISTRIBUTEUR : Tandem
SORTIE LE 24 septembre 2025