Challengers : comment ne pas l’aimer?

Le nouveau film de Luca Guadagnino, Challengers, devait faire l’ouverture de la Mostra de Venise, fin août, début septembre 2023, avant d’être remplacé suite à la grève des scénaristes et acteurs à Hollywood qui empêchait les distributions des films de les accompagner, comme il se doit. Placé en ouverture de la Mostra, Challengers devait faire événement, en présentant une image différente de Zendaya (Euphoria, Spider-Man : Far from home), métamorphosée en sex-symbol tournant les têtes et les coeurs. Sortant donc seulement fin avril 2024, quelques semaines après le triomphe mondial de Dune : deuxième partie, Challengers consacre le statut émergent de Zendaya en tant qu’icône d’une génération, emblème de la féminité et la diversité des années 2020.

Tashi Duncan, une joueuse de tennis devenue entraîneuse, décide de se consacrer à la carrière de son mari, Art Donaldson, le faisant passer d’un joueur médiocre en un champion du Grand Chelem de renommée mondiale. Pour le sortir d’une récente série de défaites, elle le fait participer à un tournoi « Challenger » où il se retrouve face à Patrick, son ancien meilleur ami et l’ancien petit ami de Tashi.

Si l’on peut nourrir les plus vifs espoirs quant au potentiel de star sexy et populaire pour Zendaya, dont on n’a sans doute pas fini de reparler, autant celui de cinéaste de Guadagnino semble s’effriter avec ce film comme un château de cartes.

Au tout début du film, Challengers ressemble à une sorte de Jules et Jim version XXIème siècle à Flushing Meadow (l’US Open de tennis). Tashi, championne de tennis, surnommée la Duncanator, pour sa capacité à éliminer ses adversaires, rencontre un duo d’amis inséparables, également joueurs de tennis en pleine ascension, formés à la même Académie de sports-études. Néanmoins le classique de Truffaut se trouve hors de portée, tant Guadagnino en rajoute dans la sexualité racontée et la vulgarité assumée, fort éloignées de la finesse et de la subtilité de son modèle. Le seul véritable point positif réside dans la confirmation éclatante du charisme de Zendaya, complètement crédible en championne de tennis et assumant un statut de perfection vivante, assez rare et équivalente à celle d’une Taylor Swift dans le domaine de la pop. Plusieurs fois, on entendra la réplique : « comment ne pas l’aimer? » comme pour mieux convaincre le spectateur qu’il est impossible de faire autrement. Et en effet, résister au phénomène Zendaya, bombe sexuelle, pleine de malice, dans la première demi-heure du film paraît assez impossible.

Néanmoins, vu que le mimétisme truffaldien ne paraît pas suffisant à nourrir son film, Guadagnino décide alors de déconstruire volontairement son film, en organisant des chassés-croisés temporels entre passé et présent, entre flash-backs et flash-forwards. Après Truffaut, il semble s’inspirer, toutes proportions gardées, d’Alain Resnais (Hiroshima mon amour, Je t’aime je t’aime). Guadagnino est à l’évidence un cinéaste sous influence : celle de Visconti dans Amore (sans doute son meilleur film), celle de James Ivory, scénariste de Call me by your name, celle de Dario Argento pour son remake raté de Suspiria, celles conjuguées de Truffaut-Resnais dans Challengers, vaguement inspiré de la Nouvelle Vague. Or, alors que la déconstruction temporelle constitue l’une des forces essentielles du Resnais première manière, elle intervient dans Challengers, en révélant qu’elle ne masque que du vide. Vide des personnages, vide de l’intrigue sentimentale, vide abyssal du style cache-misère de Guadagnino, s’abritant derrière l’électro de Trent Reznor et Atticus Ross, qu’on a connus plus inspirés sous la direction de David Fincher.

Car un troisième élément se rajoute à l’intrigue sentimentale et à la déconstruction temporelle, c’est le contexte sportif. Guadagnino a voulu certainement se faire plaisir en plaçant son intrigue à la Jules et Jim dans un cadre tennistique. Le tennis arbore une forme dramaturgique qui l’apparente souvent à un film (durée de 2h à 3h, confrontation de deux personnages, protagoniste/antagoniste, sens de l’espace et du temps). On peut (re)lire à cette occasion les chroniques tennistiques très éclairantes d’un certain Serge Daney à ce sujet. Malheureusement, du tennis, Guadagnino ne retient que les clichés les plus évidents (les joueurs ou joueuses qui hurlent comme si leur vie dépendait du sort d’une petite balle jaune, les ralentis lourdingues sur les mouvements de service ou de bras, ou pire, la caméra prenant la place de la balle jaune, ballotée et frappée pendant des échanges tumultueux). Au risque de paraître réactionnaire, la meilleure partie de tennis reste celle de L’Inconnu du Nord-Express d’Alfred Hitchcock. Quant à Challengers, faussement sulfureux et réellement médiocre, si l’on peut nourrir les plus vifs espoirs quant au potentiel de star sexy et populaire pour Zendaya, dont on n’a sans doute pas fini de reparler, autant celui de cinéaste prometteur pour Guadagnino semble s’effriter avec ce film comme un château de sable.

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RÉALISATEUR : Luca Guadagnino 
NATIONALITÉ :  américaine 
GENRE : comédie dramatique, romance 
AVEC : Zendaya, Josh O'Connor, Mike Faist 
DURÉE : 2h11 
DISTRIBUTEUR : Warner Bros France 
SORTIE LE 24 avril 2024