Bottoms : la high school comedy dans tous ses états

On avait découvert les étincelles du duo Emma Seligman – Rachel Sennott lors de la sortie de Shiva Baby, film désopilant suivant les tribulations d’une jeune femme lors d’un buffet de funérailles juives. La force comique de ce quasi huis-clos s’appuyait sur une tension dramatique savamment bâtie, à grand renfort de remarques perfides, questions intrusives et coïncidences embarrassantes. Avec Bottoms, les deux co-scénaristes explorent d’autres ressorts humoristiques, en revisitant le fameux teen movie hollywoodien. Malgré un rythme entraînant et un concept original, cette high school comedy – actuellement disponible sur MUBI France (et en novembre sur Amazon Prime) – s’avère peu subversive et manque parfois de finesse.

Tous les ingrédients sont réunis pour une satire en bonne et due forme : une équipe de footballeurs, des cheerleaders, un proviseur acariâtre, un prof dilettante, une fausse rumeur… et deux « lesbiennes moches et sans talent » – comme elles se qualifient – qui veulent à tout prix perdre leur virginité. Pour parvenir à leurs fins, PJ (Rachel Sennott) et Josie (Ayo Edebiri) créent un fight club exclusivement féminin. Mais très vite, nos deux larronnes voient la situation leur échapper…

Un film libérateur, comme un grand coup de pied dans la fourmilière

En faisant la satire du modèle quasi féodal du lycée américain, Seligman et Sennott avaient du grain à moudre, peut-être trop. Étant donné le concept du film, le potentiel politique n’est pas pleinement exploité. Mis à part quelques piques sporadiques, comme le « you’re the smartest of all of us, even though you’re a Black Republican 1» lancé par Josie à Annie (Zamani Wilder), l’indifférence et la neutralité semblent régner au sein du lycée. En outre, il n’y a pas de réécriture queer de la structure narrative du teen movie, mais plutôt un simple ré-agencement des différents personnages-types dans le même récit bien huilé. Ce n’est ni mal ni bien, mais ce n’est pas aussi révolutionnaire que le clament de nombreuses critiques outre-Atlantique. La révolution est ailleurs, du côté du box-office. Initialement programmé dans seulement dix cinémas aux États-Unis, Bottoms a su conquérir un très vaste public. Fin septembre, un mois après sa sortie, grâce à un formidable effet boule de neige, il avait engrangé plus de 11 millions de dollars d’entrées en Amérique du Nord.

Il est indéniable que le film est traversé par un souffle, alimenté par les performances remarquables de plusieurs actrices : Ayo Edebiri brille par sa capacité d’improvisation et la palette d’émotions qu’elle déploie, tandis que le charisme de Sennott crève l’écran. Et les scènes de combat sont jubilatoires, notamment celle où les deux cheerleaders Isabel (Havana Rose Liu) et Brittany (Kaia Gerber) troquent leur pompons pour dézinguer les footballeurs de l’équipe adverse.

À rebours de l’atmosphère étouffante de Shiva Baby, Emma Seligman signe ici un film libérateur, comme un grand coup de pied dans la fourmilière. Une comédie qui déconstruit le sous-genre dont elle est issue, sans le renouveler pour autant.

3

RÉALISATEUR : Emma Seligman
NATIONALITÉ :  étasunienne
GENRE : comédie
AVEC : Rachel Sennott, Ayo Edebiri, Ruby Cruz
DURÉE : 88 min
DISTRIBUTEUR : MUBI
SORTIE LE 23 septembre 2023
  1. « t’es la plus futée d’entre nous, même si tu votes à droite alors que t’es noire » ↩︎