Blanche-Neige : le live-action de trop ?

Depuis Les 101 Dalmatiens en 1996, Disney n’a cessé de réadapter ses classiques en prises de vue réelles (live-action). Plus récemment, Le Roi Lion et La Petite Sirène ont suscité des réactions contrastées : un immense succès pour le premier, une réception plus mitigée pour le second. Cette fois, la réalisation a été confiée à Marc Webb, réalisateur expérimenté des superproductions, notamment pour ses deux volets de The Amazing Spider-Man en 2012 et 2014.

Dès l’annonce du projet, le film s’est retrouvé sous le feu des polémiques. D’un côté, les conservateurs se sont insurgés contre le casting de Rachel Zegler, d’origine colombienne et polonaise, jugeant l’actrice « pas assez blanche » pour incarner la princesse. De l’autre, les progressistes ont exprimé leur mécontentement face à l’idée de choisir des acteurs atteints de nanisme pour jouer les sept nains, qui ont finalement été créés par CGI pour apaiser les critiques. Bref, jusqu’où pouvait-on moderniser ce conte désuet en satisfaisant à la fois les fans inconditionnels de Disney et les exigences politiques, auxquelles aucun film, en particulier avec un budget aussi colossal, ne peut échapper aujourd’hui ? Finalement, était-il judicieux de réadapter ce film tout court ?

Le film reprend l’histoire bien connue de Blanche-Neige des frères Grimm (1812), dans sa version édulcorée popularisée par Disney en 1937. La jeune princesse, belle et bienveillante, perd ses parents et voit son trône usurpé par sa marâtre, laquelle, diabolique et avide de pouvoir, l’enferme dans son château. Sous le règne de cette dernière, le royaume sombre dans le désespoir, mais la reine est plus mue par sa beauté supérieure, sans cesse confirmée par son miroir magique, que par la justice sociale. Pourtant, à mesure que Blanche-Neige grandit, elle finit par surpasser sa belle-mère en beauté. Rongée par la jalousie, cette dernière ordonne alors au chasseur de l’éliminer dans la forêt. Blanche-Neige parvient de justesse à s’échapper et, après avoir vécu enfermée, découvre enfin le monde en errant dans la nature.

Coincée entre deux feux, cette réinterprétation n’est ni assez aboutie pour séduire les progressistes, ni assez fidèle à la version originelle pour charmer les nostalgiques. En voulant plaire à tout le monde, on ne plaît finalement à personne.

Ce Blanche-Neige semble avant tout un exercice de style très scolaire. Les aficionados y retrouveront les décors, costumes, personnages et chansons chéris, presque inchangés, à l’exception de quelques éléments : Blanche-Neige y possède un peu plus d’autonomie et de capacité d’action que dans la version originelle. En effet, l’histoire se clôt sur l’attendue reprise du château par la princesse dans un élan très girl power, un peu nunuche, typique des récents Disney. Visuellement, les décors sont grandioses et le live-action fonctionne plutôt bien, surtout dans la représentation des animaux, réalistes mais conservant un côté animé nostalgique. Toutefois, le kitsch est poussé à l’extrême : le costume de Blanche-Neige semble tout droit sorti d’une boutique de Disneyland Paris, et des spots de lumière rouges inondent la forêt lorsqu’elle tombe en s’échappant du chasseur, ajoutant une touche « dramatique », au cas où le message n’aurait pas été clair. Bien que les décors soient impressionnants, ils n’arrivent pas à transmettre cette beauté sensible du film de 1937. Tout au long du film, les acteurs surjouent dans une interprétation très comédie musicale à la Broadway, ce qui, à l’écran, manque de finesse et en devient presque gênant. Plus généralement, c’est donc un problème de nuance qui se pose. La marâtre est méchante juste parce qu’elle l’est, sans backstory ni explication, ce qui la rend sans grand intérêt. Le prince n’a aucun relief non plus : on ne sait rien de lui, à part qu’il devient brigand pour échapper à la misère, mais que, dans le fond, c’est un bon gars. Quant à Blanche-Neige, elle est simplement… gentille. Bref, chaque personnage semble n’avoir qu’un seul trait de caractère, et c’est bien dommage. Résultat : on s’ennuie.

Cette relecture très premier degré de ce conte n’apporte rien de neuf à une histoire déjà datée et qui aurait mérité un rafraîchissement plus profond. Ajouter des personnages racisés ou en situation de handicap ne suffit pas à moderniser un film, surtout quand il continue à reproduire des scènes problématiques, comme celle de la princesse embrassée sans son consentement alors qu’elle est endormie. Le film semble donc ne pas aller au bout de ses ambitions progressistes : bien que la morale finale prône la valorisation de la beauté intérieure et la remise en question de la marâtre obsédée par l’apparence, ce message perd de son impact quand on voit l’actrice choisie pour incarner Blanche-Neige, qui correspond parfaitement aux standards de beauté. Enfin, certains passages ont mal vieilli, comme la chanson des nains, qui glorifie le travail acharné et l’exploitation minière… Les quelques modifications prétendument modernes du film semblent donc davantage relever d’un activisme performatif. Seule note positive : les nains, plutôt réussis, et l’histoire touchante de Simplet, légèrement plus développée par rapport à l’original.

Finalement, Disney ne semble pas manquer de budget, mais cruellement d’idées. Plutôt que de proposer de nouveaux scénarios originaux, le studio préfère recycler ses histoires à l’infini. Aucun twist amusant ne vient insuffler un nouveau souffle à ce récit vieillissant. Cette copie conforme de l’original, à quelques détails près (et en moins beau), finit par rendre l’ensemble terriblement ennuyeux. Coincée entre deux feux, cette réinterprétation n’est ni assez aboutie pour séduire les progressistes, ni assez fidèle à la version originelle pour charmer les nostalgiques. En voulant plaire à tout le monde, on ne plaît finalement à personne.

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RÉALISATEUR : Marc Webb
NATIONALITÉ :  États-Unis
GENRE : Comédie musicale, Aventure, Fantastique 
AVEC : Rachel Zegler, Gal Gadot, Andrew Burnap
DURÉE : 1h 49min
DISTRIBUTEUR : Walt Disney Pictures
SORTIE LE : 19 mars 2025