Titre du dernier album en date de Mylène Farmer, l’emprise représente une thématique à la mode, qui flotte dans l’air du temps. Il apparaît donc normal que des metteurs en scène et scénaristes s’en emparent pour en donner leur version. C’était déjà le cas dans Jusqu’à la garde (2018) de Xavier Legrand qui s’intéressait aux conséquences post-séparation du phénomène et aux violences conjugales. C’était le cas aussi dans L’Amour et les Forêts (2023) de Valérie Donzelli qui se focalisait davantage sur le processus de séduction et de manipulation du mâle toxique. Nathalie Najem, scénariste chevronnée depuis une vingtaine d’années, spécialisée dans le cinéma d’auteur (Laurent Achard, Laurence Ferreira Barbosa, Cédric Kahn, Anthony Cordier), s’inscrit donc dans cette lignée de films. Aux jours qui viennent représente ainsi une version un peu différente de l’emprise, où la personnalité toxique n’est pas un être cynique et calculateur, mais un être humain en proie à ses failles et dérives.
Nice, de nos jours. Laura, la trentaine, essaie de se reconstruire après une relation tumultueuse avec Joachim. Elle mène une vie en apparence tranquille, en élevant seule sa petite fille. Mais l’accident de Shirine, la nouvelle compagne de Joachim, va faire ressurgir son passé. Les deux femmes, en proie à la violence du même homme, vont peu à peu se soutenir…
Nathalie Najem s’est donc un peu éloignée de la vision dramatique et traumatique de Xavier Legrand, où le mari s’apparente plus ou moins à un monstre ordinaire, mais diverge également de celle plus onirique, voire cauchemardesque de Valérie Donzelli, où l’épouse se retrouve face à un manipulateur hors pair. En fait, comme elle l’indique dans ses interviews, Nathalie Najem n’a pas voulu nier la part d’humanité et de sentimentalité qui existe dans toute histoire d’amour, y compris les plus toxiques. Ce faisant, elle a donc composé pour le personnage toxique de Joachim (Bastien Bouillon) une carapace de charme, de séduction et de vulnérabilité qui fait comprendre pourquoi les femmes peuvent lui céder et entrer dans son jeu.
La grande force du film tient donc à sa direction d’acteurs. Bastien Bouillon montre ici une nouvelle facette de sa palette impressionnante de jeu. Après avoir été l’incarnation de la Loi chez Dominik Moll (Seules les bêtes, La Nuit du 12), et montré toute l’étendue de son charme et de sa drôlerie dans Partir un jour d’Amélie Bonnin, Bouillon excelle en séducteur en proie aux drogues, au comportement instable, qui ne maîtrise plus rien, en particulier lui-même. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’excuser les êtres toxiques qui se comportent de la sorte mais de mieux comprendre le phénomène pour y trouver plus facilement des solutions. Face à Bouillon, Zita Hanrot (toujours convaincante) et Alexia Chardard (qu’on a plaisir à retrouver presque dix ans après Mektoub my love Canto Uno) forment un mur de sororité contre lequel toutes les violences vont échouer.
Sur ce schéma scénaristique balisé, le film va suivre un chemin qui va le conduire du drame naturaliste au quasi-thriller via une poursuite de Joachim dans un quartier de Nice. La surprise du film, c’est que, en dépit de l’expérience professionnelle de Nathalie Najem, elle s’avère ici plus convaincante en tant que réalisatrice que scénariste. En effet, la mise en place d’une sororité attendue est plutôt laborieuse alors que la partie thriller, avec d’excellentes scènes à un arrêt de tramway ou dans une pharmacie, exprime une tension suffocante qui aurait peut-être dû être plus présente. Najem parvient même à susciter le rire sur un sujet pour le moins grave, grâce à une petite fille, Maya Hirsbein, dont l’abattage incontestable, lui permet de voler quantité de scènes à ses partenaires adultes. Tel quel, Aux jours qui viennent reste un film honnête, de solidarité civique, mais que l’on aurait aimé davantage mémorable.
RÉALISATRICE : Nathalie Najem NATIONALITÉ : française GENRE : comédie dramatique AVEC : Zita Hanrot, Bastien Bouillon, Alexia Chardard, Marianne Basler DURÉE : 1h40 DISTRIBUTEUR : Paname distribution SORTIE LE 23 juillet 2025