Alien : Romulus : sang nouveau

Prometheus et Alien : Convenant laissaient dubitatif, comme si Ridley Scott avait fini par perdre le mojo pour le genre de la science-fiction. Certes, il tentait de se réapproprier à juste titre cette franchise lucrative dont il a été à l’origine mais ses tentatives sonnaient creux et quelque peu insincères. Pour faire renaître la franchise Alien de ses cendres, un regard neuf se révélait nécessaire. Cinéaste uruguayen très doué, spécialisé dans le film de genre, Fede Alvarez était sans doute l’homme de la situation. Ce n’est pas d’ailleurs pas la première fois qu’il revitalise une franchise : on lui doit déjà le reboot de Evil Dead ainsi qu’une suite au Millenium de David Fincher (également impliqué dans la saga Alien). Dans Alien : Romulus, le pari était risqué : s’inscrire dans les traces des brillants metteurs en scène (Scott, Cameron, Fincher, Jeunet) qui se sont illustrés dans cette franchise, sans démériter. Pari réussi pour ce septième volet?

En 2142, Rain Carradine est une jeune minière sur la colonie Jackson’s Star appartenant à la compagnie Weyland-Yutani. La jeune femme est toujours accompagnée de l’androïde Andy, chargé par son père de veiller sur elle et d’agir comme s’il était son frère. Elle appartient à un groupe de jeunes colons de l’espace qui travaillent en tant que mineurs dans l’espoir de rejoindre une autre planète verdoyante, Yvaga. Un des membres propose d’utiliser une station spatiale abandonnée en orbite autour de leur planète actuelle afin de se rendre sur Yvaga.

Alvarez choisit judicieusement de concentrer son film sur la belle relation entre Rain et l’androïde Andy, chargé de lui apporter protection.

Avant d’être un très bon réalisateur, Fede Alvarez est avant tout un fan de films de genre et en particulier de la saga Alien. Son film Alien : Romulus suinte ainsi de tous ses pores sanguinolents l’amour absolu de cette franchise. Il reprend ainsi des éléments de tous les volets précédents, en se concentrant plus précisément sur les deux premiers volets fondateurs signés respectivement par Ridley Scott et James Cameron. Alvarez utilise donc le principe très efficace, commun aux deux premiers volets, de laisser quarante minutes sans véritable scène d’action pour installer tranquillement l’intrigue et permettre au spectateur de faire connaissance et de se familiariser avec les personnages, ce qui va rendre d’autant plus impactants les meurtres ou transformations auxquels ils seront confrontés.

Alvarez va donc reprendre quelques plans iconiques comme le corps d’un androïde mutilé ou le face-à-face dans un même gros plan des visages de l’héroïne et de l’Alien, ainsi que la structure originelle du huis clos. Toutefois il opère des modifications essentielles qui sont pour beaucoup dans le renouvellement de la franchise : 1) au centre, une bande de jeunes gens, presque des adolescents, enthousiastes et naïfs, ce qui change radicalement des scientifiques un peu ramollis des précédents épisodes ; 2) il choisit comme protagoniste une petite jeune femme à l’apparence faussement fragile, Rain Carradine, interprétée avec brio et passion par Cailee Spaeny (révélation de Priscilla, ce qui confirme que Sofia Coppola a décidément du flair dans le choix de ses actrices), complètement à l’opposé du physique de géante d’une Sigourney Weaver ou Katherine Waterston, ce qui rajoute un supplément d’émotion aux (més)aventures de Rain dans le vaisseau spatial ; 3) Alvarez choisit judicieusement de concentrer son film sur la belle relation entre Rain et l’androïde Andy, chargé de lui apporter protection. Au-delà du suspense et des effets gore, ce coeur émotionnel permet à ce septième volet d’apparaître d’emblée plus émouvant que le reste de la franchise. David Jonsson, en androïde privilégiant la raison aux élans du coeur et de la miséricorde, effectue une prestation subtile qui constitue le centre de gravité du film.

Pour le reste, Fede Alvarez ne bouleverse pas les codes et ne cherche d’ailleurs pas véritablement à le faire. Dans le cadre d’un film parfaitement calibré (1h59, ni trop long, ni trop court), il remplit surtout efficacement le cahier des charges, ce qui n’a l’air de rien mais représente déjà beaucoup, puisque Ridley Scott ne parvenait plus à le faire lors de ses deux tentatives de préquelles. Il réussit même à engendrer une véritable atmosphère sonore, bien aidé par la musique de Benjamin Wallfisch, déjà responsable de celles, remarquables, de Blade Runner 2049 et de Invisible Man. Il se paie même le luxe d’une belle séquence d’anthologie avec la suspension de la gravité et les pluies de sang acide des Aliens flottant dans l’air. Placé chronologiquement entre Alien et Aliens le retour, Alien : Romulus apparaît comme un épisode hors série qui, à la fois, récapitule et renouvelle la franchise, un peu comme Rogue One l’avait fait pour Star Wars. De là à espérer une suite aux aventures de Rain et Andy, il n’y a qu’un pas que le succès mondial impressionnant du film permettrait allégrement de franchir.

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RÉALISATEUR : Fede Alvarez 
NATIONALITÉ :  américaine 
GENRE : science-fiction, épouvante-horreur 
AVEC : Cailie Spaeny, David Jonsson, Isabela Merced, Archie Renaux 
DURÉE : 1h59 
DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France 
SORTIE LE 14 août 2024