L’empire du faux, ou comment on n’en sort jamais. Je n’avais pas tellement envie de le voir, France, j’avais le sentiment d’avoir fait le tour du cinéma de Dumont, tant celui d’avant le rire que celui d’après — question avant, sachez qu’il y en a actuellement toute une palanquée en replay sur Arte.tv, question après, même punition, les deux séries Quinquin et Coincoin y sont également disponibles —, et j’étais arrivé à la conclusion que, dans un cas comme dans l’autre, je suis quand même pas mal hermétique à la chose. Il faut garder la foi, je n’avais pas tellement envie de le voir, mais figurez-vous que j’ai beaucoup aimé.
Son cotonneux, transparences irréelles, jeu ralenti des comédiens, intrigue aux péripéties alanguies, font qu’une torpeur agréable, pour ne pas dire onirique, nimbe chaque scène.
Le film m’est apparu en quelque sorte comme le négatif d’Annette. Je veux dire par là que, comme le Carax, il s’agit d’une comédie musicale, où des personnages de vedettes frivoles et dérisoires s’ébattent vainement dans un monde en toc. Dans ce monde d’artifice, la souffrance et le malheur — symptômes du Mal — sont pourtant bien réels, et finissent par atteindre en plein cœur héros ou héroïnes, révélés à eux-mêmes le long d’un chemin simili rossellinien. Pour le meilleur ou pour le pire ? Qu’importe, car au fond — c’est une réplique du personnage de Blanche Gardin —, ’’le pire c’est le mieux’’.
Oui, je sais, je vous parle de négatif, de comédie musicale, ne pensez pas que je n’aie pas remarqué vos sourcils se hausser depuis le paragraphe précédent. Un peu de patience, laissez-moi vous expliquer. Primo, ce serait une comédie musicale sans chansons — pourtant si, il y a bien une chanson à un moment, une seule, interprétée a cappella, à laquelle succède un Dies Iræ grégorien inattendu. Secundo, partout ailleurs plane sur les images la musique économe et élégiaque (et testamentaire) de Christophe. Elle constitue le parfait antidote à l’hystérie permanente des Sparks d’Annette. J’espère vous avoir rendus un peu moins incrédules. Non ?
Quoi qu’il en soit, je vous disais que je n’avais pas tellement envie de le voir, c’est aussi parce que la bande-annonce m’avait fait craindre un film hystérique. Or c’est tout le contraire. Son cotonneux, transparences irréelles, jeu ralenti des comédiens, intrigue aux péripéties alanguies, font qu’une torpeur agréable, pour ne pas dire onirique, nimbe chaque scène. Pour conclure, et ne vous cacher rien, la raison pour laquelle j’ai finalement eu envie de le voir, c’est Léa Seydoux. Je l’aime bien en général, et elle crève ici l’écran, pensez Ingrid Bergman dans Europe 51, enfin non, ce n’est peut-être pas vraiment ça, ne pensez à rien, détendez-vous des sourcils et voyez le film.