Qui brille au combat : ne brille pas au cinéma

Joséphine Japy est une actrice française, très belle, fine et élégante, qui gravite depuis plus d’une quinzaine d’années dans le monde du cinéma, ayant commencé très jeune. Son premier grand rôle se trouve dans Respire, deuxième film d’une certaine Mélanie Laurent, nous y reviendrons. Elle a également été remarquée dans Mon inconnue, Eugénie Grandet, la série Tapie de Tristan Séguéla, et cette année, Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan. Son aura certaine nous rendait curieux de son premier film, et de l’univers qu’elle allait mettre en place. Etre acteur, c’est-à-dire au coeur du processus créatif visible à l’écran, rend souvent très bon cinéaste : on peut citer les exemples prestigieux de Charles Laughton, Clint Eastwood, Jerry Lewis, etc. Pour son premier film, en tant que réalisatrice, Joséphine Japy a choisi un sujet extrêmement proche d’elle, la vie d’une adolescente l’année de son bac alors que sa famille doit gérer le cas de sa soeur assez gravement handicapée.

Qui Brille au Combat est le sens étymologique du prénom Bertille, la plus jeune des deux sœurs de la famille Roussier, atteinte d’un handicap lourd au diagnostic incertain. La famille vit dans un équilibre fragile autour de cet enfant qui accapare les efforts et pensées de chacun, et qui pourrait perdre la vie à tout moment. Chacun se construit, vit comme il peut avec les exigences de ce rythme et les incertitudes qui l’accompagnent. Les parents, Madeleine et Gilles, la sœur aînée, Marion. Quel quotidien et quels avenirs pour une mère, un père, un couple, une adolescente que la responsabilité ​ de sa cadette a rendu trop vite adulte ? Lorsqu’un nouveau diagnostic est posé, les cartes sont rebattues et un nouvel horizon se dessine…

Ce qui aurait été passionnant, c’eût été d’explorer le monde intérieur de Bertille, de s’y projeter et de s’identifier directement à elle, au lieu d’adopter le point de vue adulte, rationnel et normalisant de sa famille.

Le handicap est un sujet extrêmement sensible et difficile à traiter au cinéma. Les metteurs en scène qui ont osé s’y frotter se sont tous heurté à divers écueils : la tentation du mélodrame tire-larmes, le film-dossier portant un sujet à débat pour la télévision ou ailleurs, le choix du naturalisme du regard sur le handicap, etc, Joséphine Japy a évité scrupuleusement le premier écueil en ayant intimé à ses acteurs de ne pas pleurer. Une seule fois, la mère de Bertille (Mélanie Laurent, que Joséphine Japy retrouve ici dans une savoureuse inversion des rôles) essuie rapidement ses larmes. Pour le reste, le film reste exemplairement exempt d’effusions mélodramatiques.

Malheureusement, elle n’évite pas complètement les deux écueils suivants. Qui brille au combat retrace de manière presque documentaire comment une famille va traverser l’épreuve d’accompagnement d’une personne handicapée et la manière dont cette épreuve va impacter les vies de chaque membre. On imagine très bien le film servant d’illustration à une soirée thématique à la télévision ou consacrée par une association au thème du handicap ou de l’autisme. Certes, en soi, l’oeuvre a donc une utilité sociale voire d’information médicale. Mais on peut se demander dans quelle mesure, nonobstant son sujet, elle apporte quelque chose au cinéma. C’est même l’aspect essentiel : quel que soit le film, qu’apporte-t-il de neuf, d’enthousiasmant, de singulier au cinéma? Dans le cas de Qui brille au combat, la famille sur laquelle l’attention est focalisée est ordinaire, dans le mauvais sens du terme, c’est-à-dire banale, peu passionnante, hormis ce membre qui la distingue, comme un animal sauvage qu’on aime, protège mais ne comprend pas forcément. Le regard qui est porté sur cette famille est plat, réaliste, mais dépourvu de fantaisie.

Si l’on se penche sur le regard porté sur l’handicapée, Bertille, il est très (bien trop?) naturaliste et manque délibérément de poésie, sauf pendant quelques secondes lorsque Bertille superpose son visage sur l’image de son code génétique. On retrouve un peu le même type de regard, délibérément extérieur, dans Rain Man de Barry Levinson, où l’autiste est vu comme une personne qui dérange fondamentalement par sa singularité et non comme une personne semblable et profondément humaine, à la différence que Rain Man s’avère de manière hollywoodienne beaucoup plus efficace. Ce qui aurait été passionnant, c’eût été d’explorer le monde intérieur de Bertille, de s’y projeter et de s’identifier directement et véritablement à elle, au lieu d’adopter le point de vue adulte, rationnel et normalisant de sa famille.

Pourtant, si une chose ressort positivement de ce magma de bonnes intentions, c’est sans doute l’attention portée à l’interprétation, en particulier celle des trois personnages féminins, la mère, la fille et la soeur. Mélanie Laurent, Angelina Woreth et surtout Sarah Pachoud – qui hérite du rôle le plus difficile, gestuel et non verbal -, forment un trio complémentaire qui ferait presque oublier la platitude de l’ensemble. Qui brille au combat, un beau sujet, un film qu’on aurait aimé aimer bien davantage.

2.5

RÉALISATRICE : Joséphine Japy 
NATIONALITÉ : française
GENRE : drame
AVEC : Mélanie Laurent, Angélina Woreth, Sarah Pachoud, Pierre-Yves Cardinal, Félix Kysyl
DURÉE : 1h40
DISTRIBUTEUR : Apollo Films
SORTIE LE 31 décembre 2025