Un peu déçu. Est-ce parce que j’aime le travail de Claire Simon en général, je repense à ses derniers films, l’incroyable Notre corps à l’hôpital Tenon versant docu, l’intéressant Vous ne désirez que moi avec Swann Arlaud en Yann Andréa versant fiction (ou presque). Ce nouveau doc montre le quotidien d’une école primaire d’Ivry, et si je dis, un peu déçu, est-ce parce que c’était le week-end, et que je n’avais pas forcément envie de voir un film sur le boulot — même si mes élèves sont un peu plus grands. Et je me demande si j’aurais été plus emballé, si ç’avait été tourné dans l’école où travaille une amie. Je crois que ladite amie a vu le film, et a été un peu déçue aussi, est-ce par dépit de n’avoir pas été choisie par la réalisatrice, qui avait hésité entre plusieurs lieux. Que de questions, cessons de nous les poser, décrivons plutôt. Simon filme l’année scolaire à hauteur d’enfant — littéralement, cf. illustration, comment s’y est-elle prise pour trimballer la caméra si bas, voilà encore une question —, de la rentrée à la rentrée suivante. Contrairement à ce qu’aurait sûrement fait le Wiseman de la grande époque, nul agent d’entretien passant son proverbial balai dans la cour, nul accès de réunionnite entre professionnels de la profession ne viennent perturber le rythme des leçons, des récréations et des sorties scolaires.
Je dis, l’année scolaire, or vu les tenues estivales des élèves et de leurs enseignants, il semblerait que ce soient surtout le début et la fin de l’année qui sont montrés. Est-ce pour cela qu’on dirait qu’il manque quelque chose, la routine, la lassitude qui finissent souvent par s’installer des deux côtés de la classe, surtout autour du mois de février, eh. Est-ce pour cela qu’on se dit, ça se passe plutôt bien quand même, ça manque un peu de frottements et de tensions. Observation qui fait qu’une des séquences les plus mémorables est celle où les élèves spécialité musique de l’École alsacienne — chère au benjamin de nos anciens Premiers ministres — viennent participer à un concert collectif. AKA, séance de cacophonie, cependant on fait vite taire les gamins d’Ivry, tandis qu’une petite virtuose de la rue Notre-Dame-des-Champs montre l’abîme qui la sépare des locaux. Je vais vous jouer du Chopin, ah bon, il n’y a pas de pédale, s’inquiète-t-elle devant le piano numérique qu’on lui propose, avant de terrasser l’auditoire par l’étendue de son talent. Pendant son interprétation, le plan s’attarde avec cruauté sur un élève autochtone, dont l’attitude trahit le désarroi — c’est comme si on le voyait prendre conscience en direct de la réalité des théories de Bourdieu.