L’amour paternel est-il vraiment inconditionnel ? À travers l’éclatement d’une famille qui se brise sur l’autel de la radicalisation politique, Delphine et Muriel Coulin racontent la relation difficile entre un père et ses deux fils. Adaptation d’un roman de Laurent Petitmangin, Jouer avec le feu fait la part belle aux regards et aux silences synonymes de non-dits ou de regrets, le tout porté par un duo Vincent Lindon/Benjamin Voisin au sommet.
Pierre élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et semble avoir un avenir tout tracé. “Fus”, l’aîné, a plus de difficultés. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède la place à l’incompréhension…
Delphine et Muriel Coulin dépeignent avec justesse l’image que l’on pourrait avoir d’une certaine France en 2025.
Tout au long du film, on n’a de cesse de se demander jusqu’à quel stade le personnage de Vincent Lindon va accepter les idées de plus en plus nauséabondes de son fils, à quelles limites l’amour et la conscience politique se rejoignent ? Toujours sur le fil, la relation entre Pierre et “Fus” se complexifie au fur et à mesure des scènes et grâce aux talents combinés d’un Vincent Lindon parfait en père caténairiste qui exprime peu ses sentiments et d’un Benjamin Voisin – découvert dans Les Illusions Perdues au charisme et à l’explosivité débordante. Au milieu de la tourmente familiale, le jeune Louis fait la liaison entre son père et son grand frère : une performance toute en complicité de la part de Stefan Crepon, ancien colocataire de Benjamin Voisin à la ville.
La radicalisation de “Fus” s’effectue à travers les milieux ultras qu’il fréquente. Footballeur amateur, le jeune homme côtoie des groupuscules identitaires qui, sous couvert de défendre l’équipe du coin, font la promotion d’un patriotisme exacerbé et d’une réécriture de l’histoire justifiant les pires actes racistes. Les réalisatrices ont choisi un angle réaliste pour aborder cet aspect de l’intrigue : les scènes de match, vécues depuis les tribunes, retransmettent parfaitement l’ambiance folklorique d’un virage lors d’une rencontre de Ligue 2. Sans compter les discussions autour du foot entre Pierre et “Fus”, seule échappatoire pour continuer à se parler sans évoquer les divergences d’opinion qui prennent de plus en plus de place dans la relation père/fils.
À travers cette histoire familiale qui bascule du point de détail au tragique, Delphine et Muriel Coulin dépeignent avec justesse l’image que l’on pourrait avoir d’une certaine France en 2025 : un pays où se côtoient difficilement syndicalistes et néo-fascistes, où l’extrême-droite dédiabolisée attire une jeunesse en manque de confiance et où la violence, légitime ou non, est omniprésente au détriment de l’amour.
RÉALISATEUR : Delphine Coulin et Muriel Coulin NATIONALITÉ : France GENRE : Drame AVEC : Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crepon DURÉE : 1h58 DISTRIBUTEUR : Ad Vitam SORTIE LE 22 janvier 2025