Bonne Mère : Mère Courage

Après Tu mérites un amour, remarqué à juste titre comme une éblouissante révélation, Hafsia Herzi, comédienne et réalisatrice, propose son deuxième film, Bonne Mère, hommage aux Mères Courage de tous les pays et de tous les continents qui se sacrifient nuit et jour pour que leur famille puisse rester digne et à l’abri des ennuis. Même si le film fait (légèrement) moins d’étincelles que le premier, Hafsia Herzi confirme tout son talent de réalisatrice à mettre en scène, en bonne héritière de Kechiche, la tchatche populaire à l’occasion de repas et de discussions enflammées.

Nora, la cinquantaine, femme de ménage de son état, veille sur sa petite famille dans une cité des quartiers nord de Marseille. Après une longue période de chômage, un soir de mauvaise inspiration, son fils aîné Ellyes s’est fourvoyé dans le braquage d’une station-service. Incarcéré depuis plusieurs mois, il attend son procès avec un mélange d’espoir et d’inquiétude. Nora fait tout pour lui rendre cette attente la moins insupportable possible…

Tu mérites un amour dressait une sorte de carte du coeur d’une jeune femme au lendemain d’une rupture houleuse avec un amant toxique et infidèle. Même s’il emploie des moyens stylistiques similaires, Bonne Mère va davantage dans un sens kechichien en mettant en place de manière récurrente des scènes de groupe. Alors que l’amour constituait le grand sujet de son premier film, Hafsia Herzi, en plus d’axer son film sur le dévouement inconditionnel d’une mère, se focalise davantage sur l’argent et la manière dont il circule. L’argent que Nora économise pour refaire sa dentition (tout comme dans Ibrahim), l’argent que l’avocate réquisitionne pour assurer la défense du fils de Nora, l’argent facile que les filles de la famille gagnent en se livrant à des relations SM non sexuelles, l’argent que l’on peut gagner en vendant de la drogue, etc. Ce faisant, Hafsia Herzi désigne clairement le poison de la société qui pourrit les relations et fait tenir une société au bord du gouffre. Elle laisse néanmoins une note d’espoir par rapport aux signes du destin qui préside à la vie des uns et des autres. L’originalité de ce film en particulier par rapport au premier, c’est l’ajout de séquences chantées à trois ou quatre reprises qui donnent presque à Bonne Mère l’allure d’une comédie musicale.

Il est assez éclairant de savoir que Bonne Mère était à l’origine le premier projet de Hafsia Herzi et aurait dû commencer sa carrière de réalisatrice. A la fois hommage à sa mère, à sa cité natale à Marseille, le film s’annonçait davantage lié à son autobiographie et son passé. Tu mérites un amour l’a remplacé au débotté, en l’absence de financements obtenus. Il ne fait pas de doute que le destin est passé par-là, permettant à Hafsia Herzi de se mettre davantage en avant dans son premier film, avec un style plus urgent et électrique. Plus posé, Bonne Mère apparaît moins comme un film de surgissement, plus comme un film de maturité. Le destin fait bien les choses.

3.5

RÉALISATEUR : Hafsia Herzi 
NATIONALITÉ : française 
AVEC :  Halima Benhamed, Sabrina Benhamed, Jawed Hannachi Herzi
GENRE : Drame
DURÉE : 1h36 
DISTRIBUTEUR : SBS Distribution 
SORTIE LE 21 juillet 2021