Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur Ma vie ma gueule : De profundis

De profundis. Obviously, vue de l’esprit, car quand vous êtes mort, vous êtes mort, dépouille au fond du caveau ou cendre dans sa petite boîte, et seuls les vivants s’imaginent des choses dans le souvenir. Mais l’art a ceci de plus fort que la mort qu’il donne à ceux qui restent l’impression que le disparu leur cause encore, et pour longtemps. Certains réussissent particulièrement leur sortie, question de timing et d’image marquante, pensez Bowie David et son armoire normande là, Fillières Sophie et son ferry-boat ici.

Poignante scène d’adieu, du quai au pont supérieur et dans l’autre sens, raté mais en fait non. Raté mais en fait non, comme un peu tout ce qu’entreprend l’héroïne-alter-ego-publicitaire-poétesse, idéalement campée par Jaoui Agnès dans le film. En voyant la bande-annonce, la personne chère à mon cœur et moi-même nous étions dit, Ça ne va pas, elle joue mal, et le film a l’air bof. C’est que la BA n’a le temps de compiler que ce qui constitue en réalité les chutes des scènes — dans le sens où celles-ci se terminent par une sorte de gag, mais pas forcément drôle. Chutes qui importent moins que les scènes elles-mêmes, que le film fait durer sans se presser. Sens du timing forever, je crois qu’est là la réussite de la chose, qui fait qu’on est aussi amusé qu’ému du début à la fin. Sans déprécier la constante invention du langage — obviously, les jeux de mots et les rimes des dialogues gracieux — et des gestes, car l’apparente et douloureuse inadéquation au monde de Bichette Barberie (tel est le nom farfelu du personnage, qui lui va comme un gant) n’empêche pas les réflexes d’acier. Comme quand il faut faire une partie improvisée de bataille corse pour sauver son portefeuille. Grand petit film, pour paraphraser — I’m lazy I know but it’s late, or maybe early — la regrettée réalisatrice.