Paradise is burning est le premier long métrage de fiction de la réalisatrice suédoise Mika Gustafson. Exemple de sororité ou d’une jeunesse livrée à elle-même, le film décrit un paradis qui n’en est pas tout à fait un, entre autonomie relative et système de survie causé par l’absence d’une mère. En traitant de ce sujet social, la cinéaste se rapproche du réalisme à l’anglaise, du style Ken Loach, en racontant comment il est possible de vivre une telle existence.
Dans une région ouvrière de Suède, trois jeunes sœurs se débrouillent seules, laissées à elles-mêmes par une mère absente. Une vie joyeuse, insouciante et anarchique loin des adultes mais interrompue par un appel des services sociaux qui souhaitent convoquer une réunion. L’aînée va alors devoir trouver quelqu’un pour jouer le rôle de leur mère…
Paradise is burning est avant tout le récit d’un lien familial, ténu, mais sacrément solide face aux aléas d’une vie constituée d’incertitudes.
Une mère absente, trois sœurs devant vivre seules dans une maison, une aînée qui fait office de parent de substitution… Le schéma, qui oscille entre oisiveté et débrouillardise, peut surprendre, mais cette situation d’abandon est pourtant peu banale dans les sociétés modernes. Mika Gustafson filme ce petit monde qui survit tant bien que mal, alors que les services sociaux cherchent à les séparer. La grande sœur, jouée par Bianca Delbravo, règne sur ce système en tentant d’imposer son autorité. Paradise is burning est quelque peu semblable à Scrapper de Charlotte Regan ou Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï, deux films qui parlent d’émancipation précoce et de responsabilités. Alors que ces œuvres citées évoquent surtout un climat miséreux et malsain, il y a ici une ambiance étonnamment débridée, entre comportement festif, un penchant pour la fantaisie et la recherche d’un désir amoureux. Tout fait penser à une sorte de paradis imaginaire, construit sur des bases fragiles qui risquent de s’effondrer. Il est évident que la cinéaste a sciemment voulu insuffler un souffle positif dans un contexte négatif, un choix qui fait que ce film se démarque en choisissant de privilégier la gaieté au désespoir. Sa narration, qui balance entre dramaturgie nécessaire et un soupçon d’insouciance ou de désinvolture, provoque un souffle d’air frais dans un genre social enfermé dans le piège du misérabilisme.
En évitant de représenter les aspects sociaux les plus misérables, Mika Gustafson se focalise sur ses personnages féminins, en misant sur l’attachement.
Les trois sœurs sont formidables et surtout liées par un lien indissoluble fait de générosité, d’amour, et aussi de sororité. Bien que caractériellement différentes, avec une à l’attitude libérée, une petite dernière plus joueuse que soucieuse, et une grande qui endosse un rôle maternel, ce petit cocon ressemble à une famille normale, et sans doute à ce paradis auquel le titre du film fait référence. Même si presque tout indique une forme de complaisance dans une situation difficile, le capital sympathie envers ces jeunes filles est énorme. La cinéaste joue fortement sur l’empathie en décrivant des esprits insouciants et excessivement libres. Paradise is burning aurait pu atteindre la perfection en n’abondant pas en bons sentiments qui éclipsent la gravité des événements. La mère, absente, lévite comme un spectre fantomatique au-dessus de ses enfants. Le scénario néglige cet élément dramatique, à tel point que ce long métrage n’est probablement pas aussi marquant que sa réalisatrice ne le voudrait. Le récit repose simplement sur l’évocation de cette jeunesse abandonnée. La séduction opère uniquement grâce à ses interprètes, Bianca Delbravo en tête. Pour le reste, cela manque certainement d’une forme de maturité. Toutefois, il s’agit d’un film assez prometteur, avec une cinéaste en devenir et des comédiennes qui le sont également.
RÉALISATRICE : Mika Gustafson NATIONALITÉ : Suède, Italie, Danemark, Finlande GENRE : Drame AVEC : Bianca Delbravo, Dilvin Asaad DURÉE : 1h48 DISTRIBUTEUR : Epicentre Films SORTIE LE 28 août 2024