On avait gardé un bon souvenir de Dune : première partie, de Denis Villeneuve. Le film arborait des choix courageux de mise en scène : une certaine lenteur solennelle, une coloration chromatique assez sombre, une mise en valeur de l’atmosphère. Il y avait surtout ce choix a posteriori assez logique de couper l’histoire en deux, et de prendre son temps. Ce qui fait que, bien entendu, cette deuxième partie est très attendue. On attendait de Denis Villeneuve qu’il aille plus fort, plus haut, plus loin avec cette histoire mythique, imaginée par Frank Herbert. On ne voyait pas trop le désert dans la première partie, c’est devenu le décor prédominant dans la deuxième, mais, étrangement, en dépit de la splendeur des plans, on en viendrait presque à le regretter. Denis Villeneuve semble avant tout miser sur le grand spectacle et les scènes d’action, ce qui donne lieu à quelques séquences impressionnantes, en délaissant quasiment les aspects symbolique, psychologique et poétique qui pouvaient éclore du potentiel de ce conte presque légendaire.
Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.
Comme si Villeneuve avait été dépassé par l’ampleur du projet et avait donné la priorité aux effets visuels et au grand spectacle, au détriment des personnages et de l’histoire.
Après une courte introduction nous présentant l’Empereur (Christopher Walken) et sa fille la Princesse Irulan (Florence Pugh), nous voici revenus à la fin de Dune : première partie, lorsque Paul et sa mère ont intégré la tribu des Fremen. Vivant sous la menace permanente des Harkonnen, ils se familiarisent avec la tribu et découvre les multiples potentialité de la planète Arrakis. Or, par rapport au contenu du deuxième volume, Denis Villeneuve ne semble pas véritablement vouloir accélérer la cadence ni approfondir la psychologie des personnages. On en reste donc à un Paul mû par un désir compréhensible de vengeance et surtout on s’attarde dans le désert bien trop longtemps. Car ce qui faisait l’intérêt du premier Dune, c’étaient l’atmosphère confinée et les intrigues de cour. En voyant l’introduction, on présume que ce qui fera le principal intérêt de ce Dune : deuxième partie, réside surtout dans la partie dévolue à l’Empereur et aux Bene Gesserit. On ne se trompe pas.
Car les personnages ne seront guère approfondis dans la partie désertique, Villeneuve misant essentiellement sur l’aspect esthétique et spectaculaire pour retenir l’attention du spectateur. Comme s’il suffisait de filmer une Epice et un manque d’eau pour attester d’une dimension écologique ou de se focaliser sur un groupe de femmes discutant ensemble pour témoigner d’un « empowerment » féminin. Villeneuve filme les grandes lignes d’une intrigue, mais sans s’impliquer véritablement, donnant la priorité à la technique sur le poético-symbolique. On retiendra surtout en fait la fameuse séquence de la chevauchée du ver du désert qui, en effet, impressionne durablement, sorte d’oasis dans une partie désertique asséchée de toute portée narrative. Le film s’arrange un peu lors de la deuxième partie, grâce à l’apparition d’un personnage très marquant, Feyd-Rautha Harkonnen, sorte de tueur psychopathe, neveu du Baron, mais cela ne suffit malheureusement pas à faire décoller l’ensemble vers les sommets espérés.
Pourquoi donc? En dépit d’une distribution prestigieuse (sans doute le plus beau casting de l’année), la plupart des comédiens se contentent du service minimum et ne dépassent pas les limites circonscrites pour les personnages. Seuls ressortent Austin Butler méconnaissable et assez inoubliable dans le vipérin Feyd-Rautha (dans un meilleur film, ce serait un Joker potentiel), et peut-être Rebecca Ferguson qui est la seule à avoir une trajectoire intéressante. Pour le reste, les autres demeurent des figures dépourvues d’intériorité, malgré certains efforts désespérés (Zendaya) pour donner de la consistance à ce qui n’en a pas. On finit par regretter quasiment le Dune de David Lynch qui avait le travers inverse, un désintérêt pour les séquences d’action et une prolifération de séquences oniriques.
Pourtant, les quelques séquences d’action s’avèrent très réussies, voire fort mémorables : la chevauchée du ver géant, les séquences de combat de Feyd-Rautha. Mais cela n’empêche pas une étrange déconnexion par rapport à l’enjeu dramatique et aux conflits censés concernés les personnages. Comme si Villeneuve avait été dépassé par l’ampleur du projet et avait donné la priorité aux effets visuels et au grand spectacle, au détriment des personnages et de l’histoire. D’autant plus que, pour les lecteurs du roman, la fin est raccourcie et abrégée, ce qui laisse presque penser que la suite est réservée pour une éventuelle troisième partie, en cas de triomphe de ce film.
Par conséquent, la question en suspens pour tous les films de Denis Villeneuve continue de se poser pour cette deuxième partie : Villeneuve, artiste ou faiseur? A part surtout pour Premier Contact et un peu Blade Runner 2049 qui faisaient preuve d’une certaine vision, ce Dune : deuxième partie fait plutôt pencher la balance du côté obscur.
RÉALISATEUR : Denis Villeneuve NATIONALITÉ : américano-canadienne GENRE : science-fiction, aventure, drame AVEC : Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson, Austin Butler, Florence Pugh, Léa Seydoux, Charlotte Rampling, Christopher Walken, Josh Brolin, Dave Bautista, Anya Taylor-Joy, Stellan Skarsgard, Javier Bardem DURÉE : 2h46 DISTRIBUTEUR : Warner Bros France SORTIE LE 28 février 2024