Rétrospective Vincente Minnelli en ce moment à la Cinémathèque. Je suis incapable de vous faire le même topo que pour Lang, Cronenberg ou HSS sur l’œuvre immense du Maestro. Je ne retrouve que ces quelques blablas.
1. La Toile d’araignée (1955).
Le métier de Minnelli fait qu’on finit par s’intéresser à l’intrigue parfaitement ridicule de ce film, à savoir un embrouillamini de psychodrames, provoqués par le renouvellement des rideaux de la salle commune à l’hôpital psychiatrique. Richard Widmark, Lauren Bacall et Gloria Grahame sont excellents, leurs personnages d’apparence conventionnelle gagnant progressivement en complexité. À l’époque on faisait un film de deux heures, aujourd’hui ce serait sans doute une série.
2. Qu’est-ce que Maman comprend à l’amour (1958).
Le titre VF est bien trouvé (en VO, The Reluctant Debutante), car il souligne la déplaisante misogynie dans laquelle tout le pétillant du film se dilue hélas. L’intrigue est d’un classicisme digne de Molière — les parents sont à la recherche d’un bon parti pour leur fille, elle en aime un qui ne leur plaît pas. À la fin tout s’arrange. Misogynie pourquoi, le barbon (Rex Harrison) est un sympathique alcoolique mondain, tandis que c’est la marâtre (Kay Kendall, également l’épouse d’Harrison à la ville) qui a le mauvais rôle — d’un conformisme servile, sourde aux désirs de sa belle-fille, elle est par-dessus le marché incapable de retenir un numéro de téléphone. C’est ’’Marble Arch 5101’’, bon sang. On le lui répète sans arrêt. L’actrice, au destin tragique, aurait mérité mieux pour un de ses derniers films.
3. Celui par qui le scandale arrive (1960).
Imputrescible classique, qui partage avec le précédent [NDLR, le post original évoquait Chaînes conjugales de Mankiewicz] trois choses. Petit a, un titre VF ’’traduction libre’’ (VO, Home from the Hill). Petit b, un producteur (Sol C. Siegel). Et petit c, un acteur à fossette (Douglas là, Mitchum ici, grandiose dans le rôle de l’affreux patriarche décadent). Le personnage du fils illégitime, joué par George Peppard (of A-Team fame), m’a fait penser, par son équanimité, à celui de Brad Pitt dans le dernier Tarantino. Et la scène finale, où l’on se réconcilie dans un cimetière, à la scène finale de Elle de Verhoeven, dont je me demande si elle est une citation consciente.
4. Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (1962).
De 1938 à 1942 ou 3, la saga tragique d’une famille d’Argentins dont la moitié sont à moitié allemands, et l’autre à moitié français. Vous suivez ? De toute façon c’est Hollywood, ils parlent tous en américain. Glenn Ford reprend le rôle qui rendit Rudolph Valentino célèbre [NDLR, dans ce film de 1921, que je n‘ai toujours pas vu, il s’agit de évidemment la Première Guerre mondiale]. D’une, il n’est pas très latin lover, de deux, il est trop vieux, cependant contre toute attente il convient parfaitement à son personnage de playboy déplaisant qui s’engage dans la Résistance. Karl Böhm joue son cousin nazi. Le film est long, lourd et artificiel, mais il dresse le beau portrait d’un homme frivole qui développe progressivement une conscience. Celui de l’artiste qui descendrait de sa tour d’ivoire ?
That’s all folks, pas le moindre blabla sur une comédie musicale. Pour me rattraper, un petit texte sur sa fille.
5. Je vous parlais de New York, New York, le film de Scorsese. Il y a une séquence où Liza Minnelli enregistre la piste voix de la chanson But the World Goes Round. Tout à coup, les lumières du studio s’éteignent, on ne voit plus que son visage éclairé par une poursuite, la caméra s’approche, on n’est plus dans le studio d’enregistrement, ni vraiment sur scène, mais dans un espace mental, celui du personnage, dont la chanson traduit évidemment les sentiments à cet instant du film. C’est simple, c’est un peu gros, mais c’est beau. Et c’est rendu plus beau encore par la gestuelle de l’actrice. Je me demande si Scorsese n’a pas volé ça à Cléo de 5 à 7 de Varda, où il y a exactement la même chose. Corinne Marchand interprète la chanson Sans toi, la musique efface soudain le décor et fait rentrer le spectateur dans la tête du personnage. Vous me direz, c’est le principe même de la comédie musicale, et vous aurez raison, même si ni l’un ni l’autre de ces deux films ne sont des comédies musicales au sens strict. Quoi qu’il en soit, mathématiquement, plus on voit de films, plus on a de chances de tomber sur des correspondances. Les résonances sont parfois tellement fortes qu’en voir deux, c’est plus qu’en voir un, puis un autre.