Plus précisément, sur la séquence où le tournage d’une scène d’exécution, dans un film de gangsters dirigé par un confrère réalisateur qui déplaît au héros, est interrompu par celui-ci. Cette séquence est une sorte de remake de la scène de Journal intime (1993), où le héros fustigeait la violence de Henry, Portrait of a Serial Killer (McNaughton, 1986, mais sorti en 1990. Je ne me souvenais plus de ce détail temporel. Incroyable film, soit dit en passant). Remake mâtiné d’une évocation de la scène iconique de la file d’attente au cinéma dans Annie Hall (Allen, 1977), où le héros imaginait avoir le pouvoir de convoquer sur place un spécialiste, afin de clouer le bec à un fâcheux pérorant sur je ne sais plus quel sujet. Dans Journal intime, si mes souvenirs sont exacts, on voit un extrait violent de Henry. Moretti montre ce que le personnage prétend être immoral de montrer. De même, dans Vers un avenir radieux, on voit la mise à mort (jouée) à la fin de la séquence.
Parmi les spécialistes convoqués entre-temps par le héros, il y a Scorsese, mais manque de bol il est sur répondeur. Les deux autres sont un architecte célèbre (Renzo Piano), et une mathématicienne (Chiara Valerio, qui a également d’autres casquettes, si j’en crois sa fiche Wikipedia). Or ni l’une ni l’autre n’ont une lecture morale de la scène, mais proposent une analyse graphique des positions des personnages — le tueur debout, face à sa victime agenouillée. Piano mentionne la peinture religieuse, ce qui fait que les interventions des experts, au lieu de soutenir le héros dans sa lutte pour le bon goût, ont plutôt tendance à insérer ce qui est représenté dans l’histoire de l’iconographie classique. Après tout, la Crucifixion est une exécution. De là l’idée que, dès Journal intime, on peut se demander si Moretti est réellement sur la même longueur d’onde que son personnage. Dans Vers un avenir radieux, après avoir cassé les pieds de tout le monde toute la nuit, ce dernier lâche enfin l’affaire, et quitte le plateau au petit matin. Il s’éloigne, accompagné par le travelling de la caméra, laissant derrière lui la scène se tourner — pan, le coup de feu retentit, l’acteur qui interprète le tué s’effondre à l’arrière-plan. Giovanni se retrouve seul, on entend les cris de joie de l’équipe, qui s’apprête à sabler le champagne pour fêter hors champ son dernier jour de travail. Solitude du vieux schnock.