La chronique de Poulet Pou : Trois contes
Quelle réussite que ce film fragmenté en trois morceaux, comme pour jouer sur les trois dimensions temporelles (passé, présent, futur pris entre flashbacks et ellipses), déjouant trois fondamentaux du cinéma (image, temps, mouvement pris entre leur durée, leur étirement, leur fantasme et leur parenté), opérant un mélange entre trois genres (théâtre, littérature, musique en offrant à entendre leur langage).
C’est ici une œuvre de la perception, prise entre mémoire et fantasme, au service desquels plan-séquence, zoom, et répétition semblent mettre en abyme le souhait du cinéaste de toucher aux profondeurs : celles des cœurs d’êtres à la recherche de leur vérité intérieure (en quête de re.connaissance), celles des corps et de leur langue à s’entrelacer ou à se fuir (pour mieux échapper à la frustration, ou mieux en jouir), celle des âmes en perpétuel trajet (comme le bon signe de leur mutation). film de trajets (temporel, géographique, professionnel, amoureux), ce seront un taxi à l’ouverture et des grues de chantier, un bus ou des duos d’escalators qui symboliseront ces allers-retours, pris entre champs (d’horizons) et hors champs (de mémoires) et prompts à nous faire éprouver, à distance certes, de quoi les jeux (de l’amour) sont faits.
Emancipations enfin, celles d’héroïnes japonaises à qui le cinéaste semble faire hommage, en s’attelant à sortir des sentiers battus : érotisme, homosexualité, copinage, tromperie, marivaudage et libertinage se rencontrant, sont autant de signes de leurs perverses idées que de leur honnêteté. à travers ces trois contes, presque expérimentaux, Ryūsuke Hamaguchi porte à l’image un double geste, celui de sa maîtrise cinématographique, et celui de sa vocation : en toute bienveillance, il engage ses personnages, actrices et son public à partir à la découverte de l’autre donc de soi-même, humain, trop humain… le tout avec une proposition, celle de ne pas s’oublier (soi-même)…