Young Hearts : un film émouvant et magique

Le film a connu un triomphe à travers le monde et remporté nombre de prix partout où il est passé tout au long de l’année 2024, dont le Prix des collégiens à Cannes Ecran Junior et la Mention Spéciale du jury dans la Section Generation Kplus au Festival International du Film de Berlin. C’est le premier long-métrage de son réalisateur, diplômé de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand, qui avait réalisé plusieurs courts-métrages auparavant – depuis 2012 –  ainsi que des séries pour la télévision. A noter que Lukas Dhont (Girl en 2018, Close en 2022), son compatriote belge, a travaillé comme consultant à l’écriture du scénario. Il y a en effet une parenté dans le sujet traité entre ce dernier film et Young Hearts, celui de la découverte de l’homosexualité à l’adolescence. Elias a 14 ans et vit dans un petit village tranquille des Flandres lorsqu’un père et ses enfants emménagent en face de chez lui. Le fils s’appelle Alexander, a le même âge que lui et devient son camarade de classe. Petit à petit le nouveau s’intègre au groupe d’adolescents de la communauté.

Alexander et Elias se lient d’amitié et Alexander avoue d’emblée à son camarade, au hasard d’une conversation, qu’il est homosexuel. Les yeux d’Elias brillent mais, plus emprunté, il n’ose pas encore dévoiler son désir. Jusqu’à ce que le premier baiser initie l’histoire d’amour entre les deux garçons. Cela ne va pas sans difficultés pour Elias qui n’ose pas s’avouer ses propres sentiments, d’autant plus qu’il est censé être amoureux de Valérie, une fille de sa classe avec laquelle il passe du temps. C’est ainsi qu’il préfère se murer dans le silence avec ses parents lorsque les choses ne tournent pas comme il le souhaiterait et que ce conflit intérieur qui le mine perturbe son équilibre mental et émotionnel. En effet, son père, chanteur de romances à la gloire naissante – il se voit même attribuer un disque d’or – est obnubilé par sa carrière et entraîne toute sa famille derrière lui à ses spectacles. Et il exige la présence d’Elias à chacune de ses représentations. C’est un père qui manque de l’attention nécessaire à son fils, et qui ne perçoit pas le trouble qui l’agite, contrairement à une mère – sensibilité féminine oblige – qui s’inquiète mais n’en peut mais. En ce sens, la description du rôle déterminant des parents dans le cadre d’une telle problématique est tout à fait vraisemblable.

C’est le côté hollywoodien et finalement optimiste du film qui ne se prive pourtant pas de plonger, avec un très grand réalisme, au sein des souffrances et des tortures morales qu’engendre la découverte de sa singularité à l’âge de l’adolescence.

La prouesse du film est de rendre sensible ce conflit intérieur – donc par essence invisible – par la mise en scène autant que par le jeu des acteurs – et on sent bien que le jeune Lou Goosens a travaillé son rôle – car c’est le jeu des regards qui prend ici toute son importance, celui qu’Elias craint que l’on porte sur lui lorsqu’il se détache de l’étreinte d’Alexander à l’issue d’un match de basket, celui de ses parents et de la société mais aussi de Valérie lorsqu’elle découvre Elias et Alexander dans les bras l’un de l’autre. A ce regard prétendument ou réellement hostile, s’oppose le regard des deux jeunes amoureux l’un pour l’autre. D’autre part, les moments d’intimité et de camaraderie qu’ils passent ensemble – dans un champ de maïs, au bord d’un lac ou dans l’herbe au sein de la campagne verdoyante – alternent avec des scènes de groupe où la crainte et/ou la jalousie d’Elias se font jour. Le groupe, la famille, la société restent une menace latente tant qu’Elias n’assume pas sa position. Mais la société n’est malheureusement pas toujours aussi bienveillante qu’elle l’est dans le film et le grand-père d’Elias joue un rôle crucial de révélateur à cet égard pour le jeune garçon. Alexander a déjà fait son chemin de croix et rappelle le harcèlement dont il a été victime dans son existence antérieure. Même s’il a été sûrement plus facile pour lui, ayant vécu dans une grande ville comme Bruxelles, de s’accommoder de son orientation sexuelle que pour Elias vivant à la campagne, si l’on veut faire de l’analyse sociologique à gros traits. D’autant plus qu’Alexander a des parents qui tiennent un cabaret de travestis au sein de la capitale belge. Quoi qu’il en soit les deux garçons ne sont pas au même niveau d’acceptation de leur différence et Alexander joue le rôle d’un objet de fascination à plus d’un titre pour Elias.

Anthony Schatteman a raconté son histoire en puisant dans ses souvenirs personnels mais non pas telle qu’elle lui est arrivée, ni comme elle arrive nécessairement dans la réalité, mais plutôt comme il la rêverait. C’est le côté hollywoodien et finalement optimiste du film qui ne se prive pourtant pas de plonger, avec un très grand réalisme, au sein des souffrances et des tortures morales qu’engendre la découverte de sa singularité à l’âge de l’adolescence. L’arrivée d’Alexander dans ce petit village n’agit comme un révélateur des préjugés de la société à l’encontre de l’homosexualité qu’en tant que ce conflit est intériorisé par le personnage d’Elias. Alexander agit comme un Ange – et le talent d’acteur de Marius De Saeger qui poursuit des études d’art et de théâtre dans la vie, tout autant que son physique effectivement angélique y œuvrent – illuminant de son pouvoir le cœur des habitants de la communauté et le paysage environnant – le film est particulièrement lumineux – et rendant toute son humanité au spectateur. Le cinéma a besoin de films tels que celui-ci pour croire encore en l’avenir.

4.5

RÉALISATEUR : Anthony Schatteman
NATIONALITÉ :  Belgique, Pays-Bas
GENRE : Drame
AVEC : Lou Goosens, Marius De Saeger, Geert Van Rampelberg
DURÉE : 1h37
DISTRIBUTEUR : Epicentre Films
SORTIE LE 19 février 2025