La nouvelle est tombée hier comme un couperet. HBO a décidé d’arrêter les frais et de ne pas renouveler Westworld pour une saison 5 qui paraissait prometteuse et qui était annoncée dès le départ comme la dernière saison de cette série dystopique ambitieuse sur le futur des humains confrontés aux androïdes. Depuis la diffusion du dernier épisode de la saison 4 le 14 août 2022, on redoutait cette nouvelle et plus le temps passait, plus les chances de survie de la série s’amoindrissaient. En effet, les annonces de reconduction ont souvent lieu, avant même la diffusion du dernier épisode de la saison en cours, ou au pire quelques jours après celle-ci.
Lisa Joy et Jonathan Nolan avaient déjà annoncé qu’il restait un nouveau jeu de plus et qu’ils n’avaient cessé de planifier la série en cinq saisons depuis le début. Malheureusement, les audiences n’ont cessé de baisser pour Westworld : dépassant parfois les 2 millions de téléspectateurs par semaine pour sa première saison, souvent louée pour sa qualité exceptionnelle, la série a commencé à décliner lors de la seconde moitié de sa deuxième saison, se stabilisant à un million de téléspectateurs environ. La troisième s’est retrouvée en dépit du coronavirus à moins d’un million, environ 800 000 en moyenne. En revanche la saison 4, en dépit de sa qualité qui en faisait l’une des meilleures avec la saison 1, a vu son audience divisée par deux, tournant autour de 400 000 téléspectateurs suivant en direct la série. En moyenne, Westworld est passé de 12 millions de télespectateurs en nombre cumulé (replay et service de VOD) à 4 millions et a donc divisé son audience par trois.
C’en était trop pour HBO qui avait rêvé pour Westworld d’un destin à la Game of Thrones et ne se voyait guère financer une saison 5 pour un budget supplémentaire de 80 millions de dollars, alors que les audiences ne cessaient de fondre. Certes les showrunneurs ne sont pas complètement innocents dans cette histoire. La complexification de l’histoire, comme souvent dans les séries de Jonathan Nolan, rendait presque incompréhensible la fin de la saison 2, ce qui s’est poursuivi lors de la saison 3. En revanche, la saison 4 avait rendu les enjeux plus limpides et promettait une suite à la hauteur de la légendaire saison 1.
Westworld n’est pas la seule série à avoir été arrêtée en plein vol. Sur Netflix, The OA ou Sense8 n’ont guère eu plus de chances mais leur arrêt pouvait être imputé au système impitoyable de Netflix. HBO, par le passé, avait laissé aller jusqu’à son terme une série comme The Wire qui ne remportait pas un grand succès d’audience, mais la série de David Simon ne coûtait pas un budget considérable, contrairement à Westworld qui, en grande série d’anticipation, exige une direction artistique et des décors à la hauteur de la vision de ses créateurs. De toute manière, HBO, étant donné le contexte tendu vécu par sa maison-mère Warner ne peut plus jouer les philanthropes. Joy et Nolan, en faisant le pari de l’intelligence, ont peut-être condamné leur série à une fin précoce.
Jonathan Nolan avait déjà rencontré des difficultés avec Person of Interest, pourtant l’une des meilleures séries des années 2010, qui avait réussi à décrocher in extremis une cinquième saison conclusive de 13 épisodes, en raison d’enjeux narratifs complexifiés. Espérons que la nouvelle série dont il s’occupe avec Lisa Joy, Périphériques, les Mondes de Flynne, disponible sur Amazon Prime, d’après un roman de William Gibson, l’écrivain cyber-punk, ne connaîtra pas le même sort. Signalons toutefois qu’il n’en est avec Lisa Joy que les producteurs exécutifs, le showrunner étant Scott B. Smith, même si la série porte indubitablement leur marque, traitant d’univers parallèles, de voyages dans le temps et d’intelligence artificielle.
Le coeur serré, nous sommes donc amenés à dire adieu à Dolores, Maeve, Bernard, Charlotte Hale, William, etc. Nous ne connaîtrons jamais la fin de leur histoire. A moins qu’une pétition puisse circuler et réussir à obtenir, comme pour Sense8, la résurrection de Westworld pour une ultime saison. Ce serait un miracle mais néanmoins assez conforme au destin des personnages de la série, renaissant régulièrement de leurs cendres. Quoi qu’il en soit, cette fin brutale correspond à ce vers de Shakespeare qu’on entendait régulièrement dans la série : « ces joies violentes ont des fins violentes« .