Vous ne désirez que moi : Duras, sublime, forcément sublime

Surtout connue pour ses documentaires (en particulier Le Concours, retraçant le parcours du combattant des candidats au concours de la Fémis, et stigmatisant le phénomène de reproduction des élites bourgeoises), Claire Simon revient à la fiction grâce à cette mise en scène des entretiens de Yann Andréa avec Michèle Manceaux, au sujet de son immense passion émotionnelle, intellectuelle et physique, vécue avec Marguerite Duras, l’écrivaine et cinéaste que l’on ne présente plus. En l’occurrence, il s’agit de l’adaptation de Je voudrais vous parler de Duras, une transcription d’entretiens entre le compagnon de Duras et la journaliste Michèle Manceaux, entretiens inédits parus après la mort de Yann Andréa, survenue en 2014, quelques mois après le centenaire de l’anniversaire de Marguerite Duras; Le dispositif est donc assez simple, rappelant à quel point l’interview repose sur un modèle confessionnel ou psychanalytique. Vous ne désirez que moi est un film de transmission de la parole de Yann Andréa, souvent émouvante, sur ses années de couple avec l’immense Marguerite, ogre qui semble avoir (presque) complètement dévoré sa personnalité.

Dans une maison de province, Yann Andréa raconte son histoire d’amour avec Marguerite Duras à la journaliste Michèle Manceaux, évoquant la passion, la domination, la dépossession dont il a été une victime consentante.

On peut s’interroger sur la nature véritable de ce film, à mi-chemin entre une recréation des entretiens d’Andréa avec Michèle Manceaux, et une émission de télévision sur Marguerite Duras, via des extraits extrêmement bien choisis. Il n’empêche qu’il s’avère bien difficile de résister, à la sortie de la projection, au charme immense et à la fascination qu’exerce toujours cet ogre de la littérature et du cinéma.

Ce film repose donc sur un dispositif psychanalytique, le flux de la parole passant entre l’écouté et l’écoutante. Dans un rôle de composition, Swann Arlaud parvient parfaitement à représenter la souffrance intérieure, contenue de Yann Andréa qui revient sur la grande passion de sa vie, une histoire d’amour improbable entre un jeune homme de 20 ans homosexuel et une écrivaine célèbre et controversée, de plus de 70 ans. Les passages les plus intéressants et bouleversants sont ceux du début, lorsque Yann Andréa évoque cette passion née grâce à la littérature, par et pour les mots.

Vous ne désirez que moi montre ensuite l’emprise qu’a su prendre l’incroyable Marguerite sur ce jeune homosexuel qui ne savait pas à quoi il s’exposait, en lui écrivant une correspondance fournie pendant six ans. Elle apparaît de temps en temps via des images d’archives. Swann Arlaud l’évoque magnifiquement, cette Marguerite s’offrant totalement au jeune Yann Andréa, alors que une grande différence d’âge les sépare, cette Marguerite seulement intéressée par les « passions foudroyées« . Comme l’énonce Yann Andréa, « l’amour existe seulement si quelqu’un en souffre et en meurt ». La suite est moins heureuse, le pauvre Yann se trouvant dépossédé de sa personnalité, complètement dominé par l’ogre Marguerite, cf. ces incroyables images d’archive où elle le dirige dans un film, au rythme de la marche et au regard près. Duras l’a dit, elle l’a décréé pour le recréer. au passage, faisant perdre à Andréa sa personnalité (tout comme son nom, puisqu’il a été dénommé Lemée en Andréa).

Tant que le film se concentre sur son dispositif, il est assez fascinant, Swann Arlaud incarnant mieux que personne Yann Andréa, et Emmanuelle Devos lui prêtant une oreille attentive et bienveillante. En revanche, lorsque le film s’égare à représenter par des dessins les étreintes supposées de Duras et Andréa, ou quand il suit le personnage de Michèle Manceaux, troublée érotiquement par ces confessions, il perd de son intensité. Certes, on peut s’interroger sur la nature véritable de ce film, à mi-chemin entre une recréation des entretiens d’Andréa avec Michèle Manceaux, et une émission de télévision sur Marguerite Duras, via des extraits extrêmement bien choisis. Il n’empêche qu’il s’avère bien difficile de résister, à la sortie de la projection, au charme immense et à la fascination qu’exerce toujours cet ogre de la littérature et du cinéma.

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RÉALISATEUR :  Claire Simon 
NATIONALITÉ : française
AVEC : Swann Arlaud, Emmanuelle Devos, Marguerite Duras (images d'archives) 
GENRE : Romance
DURÉE : 1h35 
DISTRIBUTEUR : Sophie Dulac Distribution
SORTIE LE 9 février 2022