Virgin Suicides : dans la chambre des filles

Virgin Suicides, premier long métrage de Sofia Coppola, devenu culte pour toute une génération, ressort en salles ce mercredi 12 juillet en version restaurée 4K. Le film est adapté du roman éponyme de Jeffrey Eugenides, lui-même inspiré d’une histoire vraie. Outre les premiers pas de Sofia Coppola en tant que scénariste et réalisatrice, Virgin Suicides signe le début de la collaboration de la cinéaste avec son actrice fétiche, Kirsten Dunst. Dans les années qui ont suivi, les deux femmes ont travaillé ensemble à trois reprises : Marie Antoinette (2006), The Bling Ring (2013) et Les Proies (2017).

Ici, Kirsten Dunst incarne Lux, une jeune fille qui vit avec ses quatre sœurs adolescentes à Grosse Pointe, dans la banlieue de Détroit, au milieu des années 70. La soeur cadette, Cecilia, vient de faire une tentative de suicide et pour lui changer les idées, sa famille décide de lui organiser une fête. Lors de cette soirée, un nouvel incident se produit et les parents, inquiets et très protecteurs, resserrent un peu plus l’emprise exercée sur leurs filles, au point de les couper du monde.

Si Virgin Suicides est raconté au travers des voix-off des garçons, qui servent de fil rouge, c’est bien le vécu des filles qui est au centre du long métrage.

Alors que le roman de Jeffrey Eugenides adoptait le point de vue des garçons du quartier, fascinés par les sœurs Lisbon, le film, lui, nous éclaire sur la réalité cachée derrière le fantasme. Si Virgin Suicides est raconté au travers des voix-off des garçons, qui servent de fil rouge, c’est bien le vécu des filles qui est au centre du long métrage. Les garçons ont beau être le premier regard posé sur les héroïnes, ils ne parviennent finalement pas à percer leur mystère. Et ce ne sont pas les seuls, puisque même les adultes se révèlent incapables de les comprendre. Comment oublier la scène où Cécilia échange avec un médecin après sa tentative de suicide. Alors que ce dernier ironise sur son manque d’expérience face aux souffrances de la vie, elle lui assène un terrible “manifestement docteur, vous n’avez jamais été une fille de 13 ans”. Sofia Coppola met en lumière le mystère que représentent ces adolescentes pour leur entourage. Pour raconter leur destin tragique, la réalisatrice opte pour un female gaze bien à propos. 

Les violences psychologiques infligées à ces jeunes filles se cachent dans de petites scènes banales du quotidien. A chaque nouvelle contrainte imposée, à chaque nouvelle aspiration stoppée, c’est leur capacité à rêver et donc à croire en l’avenir qui est brisée. Si Virgin Suicides a autant marqué les esprits, c’est notamment grâce au talent de Sofia Coppola qui a fait de son film une expérience sensorielle unique. Le spectateur, plongé dans l’ambiance feutrée de la chambre à coucher des adolescentes, expérimente leur emprisonnement et ressent la mélancolie et le désespoir qui les animent. Une langueur et un ennui magnifiés par la photographie d’Edward Lachman et la bande originale du groupe français Air. Sofia Coppola a découvert leur premier EP alors qu’elle écrivait le scénario de Virgin Suicides et séduite par leur univers, les a immédiatement engagés pour créer l’ambiance musicale de son film. Le casting convaincant, réunissant de jeunes premiers (A.J. Cook, Josh Hartnett) et des acteurs confirmés (James Woods, Kathleen Turner), a également grandement contribué au succès du film. 

A la fois dur et lumineux, Virgin Suicides offre une vision incroyablement juste du malaise adolescent et plus généralement de la condition des femmes. On assiste avec ce premier film à la naissance d’une grande réalisatrice capable de réunir tous les éléments nécessaires à la création d’un chef-d’œuvre. A découvrir ou redécouvrir de toute urgence dans les salles obscures.

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RÉALISATRICE : Sofia Coppola
NATIONALITÉ :  Américaine
GENRE : Drame
AVEC : Kirsten Dunst, A.J. Cook, Josh Hartnett, James Woods et Kathleen Turner
DURÉE : 97 mn
DISTRIBUTEUR : Carlotta
SORTIE LE 12 juillet 2023