Vincent doit mourir : Recherche humanité désespérément…

La Semaine de la critique porte bien son nom et permet à des premiers longs métrages de s’intégrer dans la sélection au titre d’une critique de la société, pas des moindres, et dépassant parfois le réel. Vincent doit mourir, titre pas si programmatique que cela, de Stéphan Castang, raconte le parcours du graphiste Vincent – on est loin de la légèreté de Vincent n’a pas d’écailles ! de Thomas Salvador, 2014 même s’il est aussi question d’une forme de pouvoir –, personnage incarné par Karim Leklou – décidément il a des rôles sombres –, qui, soudainement, se fait agresser à plusieurs reprises dans un temps record : c’est d’abord un stagiaire au travail qui vient le frapper au visage avec son PC, avant qu’un collègue graphiste lui enfonce à plusieurs reprises son crayon dans le bras. Évidemment on pourrait croire, comme le récit le laisse entendre, que Vincent y est pour quelque chose, étant donné qu’il a fait une mauvaise blague au stagiaire, qu’il accole à son collègue maquettiste la fonction de comptable, et qu’il vient de se séparer de sa grande blonde de copine qui le prend de haut… Non, même dehors, Vincent échappe à une automobile qui manque de l’écraser quand ce n’est pas une énorme bonne femme qui le fusille du regard. On connaît tous aujourd’hui les nouvelles mouvances et thérapies alternatives, notamment la technique du eye-contact – évoquée ici – pour créer une connexion avec l’autre, mais généralement elle est censée réunir. Attaqué par les enfants de ses voisins, blessé partout, sans l’aide effective d’un policier qui écoute son récit, ou d’un psychiatre qui le fait aller vers sa responsabilité dans le phénomène, Vincent ne voit qu’une solution, c’est de partir s’isoler dans la maison de campagne de son père, lui-même récemment installé avec une femme qui pratique le yoga bien-être, et après avoir rencontré un acolyte qui vit exactement le même phénomène d’agression que lui, un ancien enseignant séparé de sa femme, vivant de rien, et inscrit dans un programme Sentinelle avec son pseudo JoachimDB…

Mélange des genres pour ce premier long métrage, du thriller à l’horreur en passant par le fantastique, le genre humain lui s’est uniformisé dans la monstruosité…

Vincent doit mourir est un film complètement chaotique ou apocalyptique dans le sens où la violence et la barbarie règnent en maîtresses tout au long du récit. Mais c’est aussi un film fantastique parce qu’il travaille sur les effets d’un regard et n’oppose pas de cause rationnelle, sauf à aller du côté du complotisme. Ainsi le film se déroule à la manière d’un huis-clos, puisque le personnage principal passe par les divers lieux de son enfermement : du bureau à l’appartement, de chez son père qui le rejette à la voiture, de la maison de campagne à un bateau, afin de fuir les possibles agressions qui l’acculent, jusqu’à toucher les enfants, et laisser croire à un virus. Ce sont des scènes qui travaillent sur le suspens et la soudaineté qui sont données à vivre, et des images souvent incroyables, on pense à la scène de combat avec le facteur dans le jardin qui déborde de merde à cause d’une fosse septique bouchée. Alors évidemment, la direction d’acteur est telle que la violence porte parfois à rire tant l’étonnement du personnage, qui pourtant sait et se prépare, est intégré, cela avant qu’il ne devienne paranoïaque et se barricade totalement, protégé par Sultan, un chien – en réalité Suzie qui attend la PalmDog du Festival – dont la relation douce-amère-tendre porte aussi à émouvoir, au milieu du gore et des coups. C’est ainsi une réflexion sur la violence actuelle et certainement, implicitement, de nouveaux comportements post Covid-19, post confinement, et une nouvelle manière de relation à l’autre qui semble faire aller l’humain du côté du monstre, ou ici du zombie. Le film alterne ainsi, de par un montage très maîtrisé, entre le thriller et le film de genre (limite horreur) dans lequel un seul personnage féminin, Margot, interprétée par Vimala Pons, même s’il est aussi et autrement barré, vient apporter un peu d’humanité. C’est ainsi que, contre toute attente, une relation « humaine », qu’on peut caractérisée d’amoureuse, naît, sauf qu’elle est, elle aussi, enfermante, Margot n’échappant pas au phénomène par endroits, et leur désir étant empêché par des menottes.

Malgré des moments burlesques, c’est une tension tout au long qu’une romance adoucit à peine, pour un peu apporter d’humanité (à ce qu’il en reste aux personnages)….

Visuellement intéressant quand ce ne sont pas des scènes plus marquantes, symboliquement très fort, car Stéphan Castang n’hésitera pas à montrer la présence de snipers sur des toits empêchant toute entrée dans un village, un carnage humain sur une autoroute – âmes sensibles s’abstenir –, le film, qui perd un peu de son rythme à partir de la rencontre amoureuse présente pour « calmer le jeu » un peu vain mais assumé de la folie généralisée, est aussi une réflexion sur une politique militariste violente et ses conséquences pas très modélisantes, et nos états intérieurs dans une société en manque d’humanité. La fin reste ambiguë avec le choix d’éviter de voir, d’accepter d’être guidé, mais elle offre une respiration et une fluidité sur un lac par où s’évader…

3

RÉALISATEUR : Stephan Castang   
NATIONALITÉ : France
GENRE : Drame 
AVEC : Karim Leklou, Vimala Pons, François Chattot, Hervé Pierre, Karine Rose Sun, Emmanuel Vérité, Jean-Henri Chaize, Sébastien Chabanne, Ulysse Genevrey
DURÉE : 1h47
DISTRIBUTEUR : Capricci Films
SORTIE LE 15 novembre 2023