Un Varón : un petit guerrier colombien

Présenté à la Quinzaine des Cinéastes du Festival de Cannes 2022, Un Varón retrace la vie d’un jeune Colombien cabossé par la vie, livré à lui-même dans de sombres rues malfamées de Bogotá, et forcé de devenir un homme dans une atmosphère gangrénée par la misère et les stupéfiants. Pourtant accrocheuse, cette idée de montrer une jeunesse colombienne en perdition ne parvient pas complètement à éveiller l’intérêt, avec ce sujet que le cinéma sud-américain a abordé plusieurs fois, et avec de grandes réussites. Malgré l’intense message qu’il véhicule, ce petit film laisse pantois, avec un thème partiellement traité, et sans réels enjeux dramatiques ni tension. N’est pas Pixote qui veut.

Carlos, pensionnaire d’un foyer au centre de Bogotá, s’échappe et décide de survivre financièrement en tentant de se faire un nom parmi les trafiquants de drogue.

Il ne s’agit pas ici de la loi du plus faible, mais de celle du plus fort, avec des règles strictes dictées par le monde de la rue, par des délinquants juvéniles et des caïds instaurant la peur par les armes. Celui qui impose sa force devient un roi, un chef, un homme. Le jeune Carlos va s’initier, utilisant la violence comme moyen d’y arriver.

Voici la dangereuse vision de la ville colombienne, de ses bas-fonds dominés par la drogue et ses trafics juteux. À première vue, Un Varón a de quoi séduire sur le papier, avec l’histoire de cet adolescent à l’existence marquée par la pauvreté et la dureté d’un système social à la dérive, cherchant à s’en sortir en suivant la loi de la rue et en faisant le choix des armes. Ce portrait, pourtant si éloquent et d’un réalisme triste, reste toutefois superficiel, insuffisamment creusé et rassemble bien des clichés sur ce milieu extrêmement précaire et abandonné, peuplé de marginaux et de personnes désœuvrées. Certes, le film expose le réel, le quotidien miséreux de toute une classe, mais d’autres œuvres l’ont décrit auparavant. Surtout, Un Varón se rapproche du film d’Hector Babenco, Pixote, la loi du plus faible, avec la représentation d’un contexte quasiment similaire devenant un terreau propice à toutes formes de délinquance, et la présence d’un personnage voué à devenir un chef. Fabián Hernández explique non pas la déchéance vertigineuse, mais la prévisible et progressive ascension d’un futur dealer. Si sa destinée de hors-la-loi se profile, on reste de marbre et impassible devant ce récit ressemblant à beaucoup d’autres. Le réalisateur choisit la non-violence, opte pour une mise en scène lente et trop contemplative, avec une tension inexistante. Si le film met en avant l’âme d’un guerrier, également d’un survivant, il est regrettable de ne pas y voir une dramaturgie violente, comme celle de Pixote, la loi du plus faible, La Cité de Dieu, La Cité des hommes.

Être un homme, voila ce dont parle ce film. Se soumettre aux règles de la rue, s’assujettir aux exigences et aux pressions d’un monde régi par les délits, avoir une forme d’obéissance. Le terme Varón signifie beaucoup de choses dans ce film, la domination du mâle, l’importance d’une virilité imposante, prendre ses responsabilités, marquer son territoire, bref, tous les attributs d’un caïd en devenir. Être un homme, c’est exercer la violence, se forger une carapace masculine dure et impénétrable, tomber dans le piège de l’illégalité pour survivre, suivre le mauvais exemple des grandes personnes, en devenir un aussi. Le scénario déroule ainsi la panoplie parfaite du petit délinquant en puissance, sans jamais parvenir à nous intéresser, nous laissant constamment à côté de ce chemin tout tracé. Entre système familial détruit et pressions économiques, Fabián Hernández réalise un film imparfait, entre empathie et désintérêt, très certainement incomplet. Film sur l’errance, les incertitudes, l’abandon, il manque cette touche émotionnelle qui aurait propulsé Un Varón au niveau des plus grands films de ce genre.

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RÉALISATEUR :  Fabián Hernández
NATIONALITÉ : Colombie
GENRE :  Drame
AVEC : Felipe Ramirez
DURÉE : 1h22
DISTRIBUTEUR : Destiny Films
SORTIE LE 15 mars 2023