Depuis l’année 2020, la pandémie a permis d’accorder le label Cannes 2020 à bon nombre de films, sans pour autant distinguer ce qui aurait relevé de la compétition, du Certain Regard, des séances hors compétition ou encore des séances spéciales. Un Triomphe d’Emmanuel Courcol se situerait dans la veine grand public du Grand Bain ou de La Belle Epoque, des divertissements grand public, plutôt réussis, sans grande ambition artistique, mais pas vraiment déshonorants non plus. Des feel-good movies comme The Full Monty où le discours sur l’union et la solidarité humaine tiennent lieu de mise en scène. Inattaquables sur le fond car, inspirés d’une histoire vraie souvent exemplaire, même si peu inspirés et fonctionnels sur la forme.
Un acteur en galère accepte pour boucler ses fins de mois d’animer un atelier théâtre en prison. Surpris par les talents de comédien des détenus, il se met en tête de monter avec eux une pièce sur la scène d’un vrai théâtre. Commence alors une formidable aventure humaine. Inspiré d’une histoire vraie.
Bien plus qu’un énième film éducatif sur les vertus de la culture en milieu carcéral, Un Triomphe représente donc bien davantage la victoire d’un homme sur lui-même, qui, en voulant sauver les autres, sauvera en fait sa propre vie.
Récompensé par le Valois du Public et celui du meilleur acteur distinguant ex aequo Sofian Khammes et Pierre Lottin, Un Triomphe s’est particulièrement illustré au Festival d’Angoulême. En suivant le parcours d’Etienne, acteur resté obscur, qui va tenter d’obtenir sa rédemption artistique, en conduisant des détenus en tournée dans toute la France puis jusqu’au prestigieux théâtre de l’Odéon, Emmanuel Courcol semble dresser le constat chaleureux et réconfortant d’une reconversion possible et d’une rééducation par l’art. Sans vouloir divulgâcher l’issue du film, le propos est bien plus retors que cela, sous couvert d’un feel-good movie qui permettrait de croire dans les possibilités de changement et de modification de l’être humain. C’est en cela que le choix de la pièce En attendant Godot de Samuel Beckett (tout comme au début de Drive my car de Ryusuke Hamaguchi) est particulièrement révélateur et signifiant. Les détenus, apprentis comédiens, jouent en attente d’une liberté hypothétique et illusoire, dans un monde dépourvu de valeurs. Ils espèrent s’en sortir mais ne savent pas trop à quel saint se vouer. Dans un monde tombé en profonde déréliction, la liberté ressemble à Godot, une personne qu’on n’a jamais vue ni entendue, que tout le monde cite en référence, sans se préoccuper de son existence réelle. Un fantôme de la liberté, quasi buñuelien.
Or si la liberté ressemble à un fantôme évanescent, qu’il vaut mieux appréhender avant qu’il ne disparaisse, la célébrité est semblable à un phénomène de coup de tonnerre qui frappe au moment où on s’y attend le moins, le plus souvent lorsqu’on ne l’a pas recherchée du tout. En cela, Kad Merad, d’une sobriété exemplaire dans son jeu, mérite d’être distingué comme la figure inoubliable d’Un Triomphe, (saluons aussi Marina Hands impeccable dans son rôle de directrice de prison qui se découvre une vocation culturelle insoupçonnée) alors que le Valois du meilleur acteur a plutôt récompensé les révélations Sofian Khammes et Pierre Lottin, au détriment des autres interprètes de la bande de détenus. Le fait de participer à des comédies populaires a parfois fait oublier l’excellent comédien que Merad peut être. Sa composition en acteur raté trouvant sa rédemption en metteur en scène pour détenus, mérite d’être saluée, par sa modestie et son intériorité. Bien plus qu’un énième film éducatif sur les vertus de la culture en milieu carcéral, Un Triomphe représente donc bien davantage la victoire d’un homme sur lui-même, qui, en voulant sauver les autres, sauvera en fait sa propre vie.
RÉALISATEUR : Emmanuel Courcol NATIONALITÉ : française AVEC : Kad Merad, Marina Hands, Sofian Khammes, Pierre Lottin GENRE : Comédie DURÉE : 1h46 DISTRIBUTEUR : Memento Distribution SORTIE LE 1er septembre 2021