Franck Dubosc est immensément connu pour ses prestations comiques, dont l’inénarrable Patrick Chirac de Camping, personnage qui ne cesse de le poursuivre. Grâce à lui, il est devenu célèbre et bénéficie de la reconnaissance du grand public. Pourtant, au détour d’un rôle, d’une scène, on sent poindre dans son oeil d’un beau bleu délavé, un regret, apparemment minuscule, mais tenace et persistant. Celui de ne pas avoir montré son véritable talent et surtout de ne pas être pris au sérieux par la critique intello et l’intelligentsia snob. On pouvait ainsi le voir dans quelques rares scènes de Prodigieuses apporter des moments précieux d’émotion et de fantaisie. Après deux films bien accueillis (Tout le monde debout, Rumba la vie) qui tournaient essentiellement autour de son personnage comique, même si pour son premier il abordait plutôt avec finesse un sujet délicat, celui du handicap, Dubosc décide un changement de cap risqué en versant dans la comédie noire et absurde avec Un Ours dans le Jura.
Michel et Cathy, un couple usé par le temps et les difficultés financières, ne se parle plus vraiment. Jusqu’au jour où Michel, pour éviter un ours sur la route, heurte une voiture et tue les deux occupants. 2 morts et 2 millions en billets usagés dans le coffre, forcément, ça donne envie de se reparler. Et surtout de se taire. Tandis que cette petite famille se remet à flot, le gendarme de la région rôde dans les parages.
Un Ours dans le Jura est ainsi plutôt une jolie façon de commencer l’année, avec des éclats de rire sanglants sur fond de neige blanche.
En tournant Un Ours dans le Jura, Franck Dubosc souhaitait être pris au sérieux en tant que metteur en scène, en opérant un changement de ton surprenant et en s’inspirant des polars enneigés qui ont illuminé la fin des années 90 (Un Plan simple de Sam Raimi, Affliction de Paul Schrader, et surtout Fargo des frères Coen). Le film démarre donc en trombe par une cascade d’accidents qui va dégénérer en morts qui se ramassent à la pelle. Reconnaissons une véritable virtuosité à Franck Dubosc qui manie ainsi en même temps un humour à froid ainsi que des morts à foison dans des séquences d’action bien réalisées. Le défi coenien est ainsi plutôt bien relevé.
Ensuite vient le coeur du film : l’on s’aperçoit qu’Un Ours dans le Jura est finalement une comédie de remariage, Dubosc formant avec Laure Calamy un ménage qui bat de l’aile, avec un fils quasi-autiste. Grâce à l’abattage des acteurs, auxquels il faut rajouter les excellents Benoît Poelvoorde et Joséphine de Meaux, en gendarmes dévoués à la cause de la justice, cette partie fonctionne plutôt jusqu’à la visite de Poelvoorde au ménage en reconstruction. C’est malheureusement après ce moment, que le scénario s’enlise un peu, jusqu’à que l’action redémarre dans le dernier quart d’heure, avec un deus ex machina que personne n’aurait a priori prévu. La morale de ce film amoral va donc consister à nous dire que l’argent ne va pas faire le bonheur mais peut servir à resserrer les liens d’un couple désuni.
En l’occurrence, en dépit de quelques soucis de longueur, Franck Dubosc tient globalement son pari de changement de registre, en assumant le risque d’un changement d’image qui lui permettra de s’ouvrir à d’autres types de films. Sans être un chef-d’oeuvre ni se hausser au niveau de ses modèles, ce qu’il ne cherche sans doute pas, Un Ours dans le Jura est ainsi plutôt une jolie façon de commencer l’année, avec des éclats de rire sanglants sur fond de neige blanche.
RÉALISATEUR : Franck Dubosc NATIONALITÉ : française GENRE : comédie noire AVEC : Franck Dubosc, Laure Calamy, Benoit Poelvoorde, Joséphine de Meaux, Kim Higelin DURÉE : 1h53 DISTRIBUTEUR : Gaumont SORTIE LE 1er janvier 2025