Un Héros : je ne suis pas un héros

Asghar Farhadi n’est jamais meilleur que sur sa terre natale. En témoignent les semi-échecs ou semi-réussites, selon que l’on considère le verre plein ou le verre vide, du Passé et de Everybody knows, alors que ses cinq films situés en Iran, des Enfants de Belleville à A propos d’Elly, en passant par Une Séparation ou Le Client s’illustrent par leur rigueur dramaturgique et leur sens de l’ellipse. Un Héros ne déroge pas à cette règle non écrite, en mettant en place un engrenage de témoignages et de mensonges qui va pousser à bout le protagoniste principal, dans la logique d’une dramaturgie exemplaire qui s’effectue peut-être au détriment d’une émotion qui échoue à poindre.

Rahim, un peintre en calligraphie, emprisonné pour dettes à la suite de la plainte déposée par son ex-beau-frère, profite de quelques jours de permission. Il se voit proposer par sa compagne de rembourser son prêt avec les pièces d’or d’un sac qu’elle a trouvé dans la rue. Il s’y résout avant d’être rattrapé par sa mauvaise conscience et de passer une annonce pour rendre le sac et son contenu à sa propriétaire. Une bonne action qui aura finalement des conséquences catastrophiques…

Un Héros met en place un engrenage de témoignages et de mensonges qui va pousser à bout le protagoniste principal, dans la logique d’une dramaturgie exemplaire qui s’effectue peut-être au détriment d’une émotion qui échoue à poindre.

Avec Un Héros, Asghar Farhadi illustre la maxime bien connue que la Roche Tarpéienne n’est jamais aussi proche du Capitole. En clair, il est extrêmement facile de passer en quelques jours de héros à paria. Rahim en fera l’amère expérience, en souhaitant rendre un sac rempli de pièces d’or à sa propriétaire. Il deviendra alors un héros médiatique pour sa bonne action, avant d’être lynché par les mêmes médias et réseaux sociaux lorsqu’ils apprendront qu’un mensonge mineur entachait sa prétendue bonne action. Asghar Farhadi explore toutes les possibilités qui vont ternir la réputation d’un honnête homme, dans une société où le pardon et la rédemption n’ont pas réellement droit de cité. La respectabilité mise en péril par les réseaux sociaux est ainsi mise en question, ainsi que la notion d’honnêteté qui, contrairement aux idées reçues et la morale bourgeoise, ne rend pas forcément service à celui en fait preuve.

Comme dans Une Séparation, une ellipse décidera de l’ensemble, celle où le spectateur ne verra pas le père expliquer son stratagème à son fils dont le bégaiement est censé emouvoir les foules. Car Rahim est certes honnête mais n’est pas complètement irréprochable. Comme beaucoup de gens, il s’arrange avec la réalité et le doute demeure. A t-il effectué sa bonne action pour en recueillir des fruits qui lui seraient encore plus favorables? A-t-il souhaité devenir populaire? Sa recherche de célébrité ne s’est-elle pas finalement retournée contre lui? Or comme le dit un personnage à Rahim,  » soit vous êtes très malin, soit vous êtes très naif« , la mise en scène d’Asghar Farhadi est assez habile pour préserver cette ambiguïté.

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RÉALISATEUR : Asghar Farhadi 
NATIONALITÉ : Iranienne
AVEC :  Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadre Orafaee
GENRE : Drame, thriller 
DURÉE : 2h07
DISTRIBUTEUR : Memento Distribution 
SORTIE LE 15 décembre 2021