Humble drame historique, Tu ne mentiras point renouvelle le récit autour des blanchisseries Magdalene tristement célèbres en Irlande à travers une perspective inattendue, mais parfaitement cohérente: celle d’une dépression masculine.
Adapté du roman irlandais éponyme, le film suit Bill Furlong (interprété par Cillian Murphy), un père de famille et marchand de charbon. Ayant grandi dans la maison de la riche Mme Willson, où sa mère avait été accueillie après avoir été rejetée par ses proches, Bill mène désormais, en 1985, une vie apparemment stable avec sa femme et leurs cinq filles. Pourtant, la société autour de lui reste figée dans les mêmes schémas que lors de son enfance. Lorsqu’il découvre par hasard les mauvais traitements infligés aux jeunes filles dans un couvent local, il ne peut s’empêcher de faire le lien avec les épreuves vécues par sa mère célibataire. Pour Bill, ce n’est que la première confrontation avec le sadisme de ces institutions, mais cela marque le début d’un long parcours — notamment vers les racines de son propre traumatisme.
Ce qui fascine le plus dans les choix esthétiques du film, c’est que cette question largement répandue trouve une représentation poignante à travers la subjectivité d’une dépression masculine.
Bien qu’ empreint d’une identité profondément irlandaise, le film est réalisé par le cinéaste belge Tim Mielants et a été choisi pour ouvrir la Berlinale en 2024. Tu ne mentiras point dépasse ainsi les frontières nationales et touche à une problématique universelle: la maltraitance des femmes sous couvert d’institutions religieuses. Ce qui fascine le plus dans les choix esthétiques du film, c’est que cette question largement répandue trouve une représentation poignante à travers la subjectivité d’une dépression masculine. Bill, avec ses manières anti-héroïques, incarne une réponse rare mais juste aux injustices qui se jouent à côté de chez soi. Plutôt que des actions spectaculaires, il préfère esquisser de petits gestes d’aide, avec l’intention de sauver non pas le monde entier, mais au moins une personne — surtout parce qu’elle lui rappelle sa propre mère. Un rappel sincère que l’intime est politique.
En revanche, la dépression semble avoir contaminé l’ensemble des personnages, voire la ville elle-même. Ainsi, les paysages ternes et les figures éteintes peuvent parfois devenir pesants à l’écran.
De plus, la fin ouverte du film laisse le spectateur avec un questionnement inévitable. La décision de Bill est claire, mais ses conséquences restent floues et, à en croire les avertissements de ses voisins, pourraient être catastrophiques pour sa famille. Bill est-il un simple illuminé local ayant bouleversé l’ordre établi, ou bien la boussole morale dans cette terre oubliée de Dieu? Aucune piste ne nous est donnée par le réalisateur, et c’est peut-être là encore le choix le plus judicieux — car si nous connaissions déjà la réponse, aurions-nous suivi cette histoire avec autant d’empathie brute? D’ailleurs, quand Noël n’apporte pas ce qu’on espérait, peut-être est-il temps d’espérer un miracle… humain.
RÉALISATEUR : Tim Mielants NATIONALITÉ : Irlande, Belgique, U.S.A GENRE : Drame AVEC : Cillian Murphy, Clare Dunne, Emily Watson DURÉE : 1h38 DISTRIBUTEUR : Condor Distribution SORTIE LE 30 avril 2025