Stupéfait du retour de son frère disparu depuis plus de vingt ans, Bertrand Belin chante « On ne revient pas d’entre les morts ». Il s’interroge : « si tu n’es pas mon frère, alors qui es-tu ? ». Une question qui irrigue les esprits et les cœurs dans le dernier film des frères Larrieu, Tralala. Une fable musicale et mélancolique, aussi singulière que touchante.
Electron libre, Tralala (Mathieu Amalric), la quarantaine, vit une vie de bohème à Paris. Dans sa chambre, il imagine des mélodies sur fond de bruits de chantiers : il sait les jours de son appartement, abandonné et miteux, comptés. Lors d’une virée dans la capitale, il rencontre une jeune femme (Galatea Bellugi), sa beauté le fascine, il croit rêver. Avant de disparaître, elle lui glisse un message « surtout ne soyez pas vous-même ». Qui est-elle ? Pour la retrouver, il a une piste : un briquet à l’effigie d’une femme en bleu, la Vierge Marie. Il décide donc de partir pour Lourdes. Une fois sur place, il parvient à trouver un endroit où dormir, un hôtel fermé qui accueille les déshérités de la vie. Au petit matin, un chant le réveille : Lili (Josiane Balasko), la propriétaire des lieux, est heureuse, elle a retrouvé son fils, Pat. Amusé et surpris, Tralala ne conteste pas, il est bien de retour à la maison. Il va se découvrir des affinités avec cet inconnu, disparu de longue date.
A Lourdes, « terre de miracles », l’arrivée de Tralala bouleverse : c’est le retour du fils tant aimé, tant pleuré. Une nouvelle vie pour le chanteur, une véritable réincarnation pour les autres. Dans ce haut lieu de pèlerinage, où la foi déborde, les croyances peuvent s’avérer puissantes, quitte à faire des mensonges des vérités. Une affabulation heureuse pour combler le vide, l’absence d’un enfant, d’un frère, d’un ami ou encore d’un amour. Si une incertitude plane sur l’identité de ce revenant, le plaisir de la rencontre prévaut. Ensemble, ils se reconstruisent, s’inventent, se désirent, dans cette imposture réparatrice. Pat est parti trop tôt, trop longtemps, sans « soigner ses adieux » comme le chante, avec son phrasé élégant, l’interprète Bertrand Belin. Ils s’offrent une dernière fantaisie pour se dire au revoir.
Une œuvre singulière qui, malgré son mensonge heureux, brille par sa sincérité.
Un adieu à la fois mélancolique et festif, où les émotions se chantent au gré des rencontres. On retrouve des mélodies de nombreux compositeurs, dont Philippe Katerine, Jeanne Cherhal, Dominique A ou encore Etienne Daho. Quant aux textes, ils sont principalement issus de l’esprit fertile des frères Larrieu. Une œuvre musicale qui, après l’incroyable Annette de Leos Carax, paraît bien sage dans sa mise en scène. C’est une énergie créatrice différente qui est en action, pas forcément très énergique voire un peu paresseuse, mais infaillible dans ses évocations et situations. Ce sont les acteurs – chanteurs, formidables dans cette chorale farfelue, qui donnent corps au film. Si dans ses instants parisiens le film erre et semble se chercher, une fois Tralala intégré dans sa nouvelle famille dysfonctionnelle, de la lumière apparaît. L’ensemble est inégal, mais parsemé de moments de grâces et d’élans poétiques. On retient en particulier le touchant concert final : « il n’y a rien pour une fête ici, seulement le beau geste, seulement le mot juste ». Et Tralala, finalement fidèle à lui-même, retourne à sa liberté.
Vibrant de vie et de couleurs, Tralala des frères Larrieu allège les cœurs avec sa douce fantaisie et ses efficaces mélodies. Les fausses notes des réalisateurs n’entachent en rien le plaisir d’entendre et de voir ce petit monde s’agiter autour d’une retrouvaille inespérée, au beau milieu d’une pandémie qui dépeuple les rues et masque les visages. Une œuvre singulière qui, malgré son mensonge heureux, brille par sa sincérité.
RÉALISATEUR : Arnaud Larrieu, Jean-Marie Larrieu NATIONALITÉ : français AVEC : Mathieu Amalric, Josiane Balasko, Mélanie Thierry GENRE : Comédie musicale DURÉE : 2h DISTRIBUTEUR : Pyramide Distribution SORTIE LE 6 octobre 2021