To the moon : les puissances du faux

Depuis la mort de Black Widow et la sortie de Scarlett Johansson de l’univers Marvel avec un ultime hommage à son personnage fétiche, Scarlett a surtout tourné avec Wes Anderson, interprétant le personnage d’une star de cinéma dans les années 50 dans Asteroid City. Pour une star de son envergure, la croisée des chemins s’annonce avec la quarantaine qui point à l’horizon. To the moon représente ainsi son grand retour dans un film de studio, non formaté « auteur », qui donne une indication sur la manière dont elle voit la suite de sa carrière : la persistance d’un sex-appeal démentiel qui ne peut se comparer qu’à celui d’une certaine Marilyn Monroe, mais surtout la démonstration d’un talent dramatique et surtout comique, à faire pâlir toutes ses concurrentes, faisant mouche à toute réplique, toute intonation et tout mouvement dans le cadre.

Chargée de redorer l’image de la NASA auprès du public, l’étincelante Kelly Jones, experte en marketing, va perturber la tâche déjà complexe du directeur de la mission, Cole Davis. Lorsque la Maison-Blanche estime que le projet est trop important pour échouer, Kelly Jones se voit confier la réalisation d’un faux alunissage, en guise de plan B et le compte à rebours est alors vraiment lancé…

To the moon s’avère un formidable véhicule pour relancer les screwball comédies, sur fond de guerre larvée des sexes et attirance réciproque réprimée pour raisons professionnelles.

Prenant prétexte de l’opération Apollo 11, To the moon s’avère un formidable véhicule pour relancer les screwball comédies, sur fond de guerre larvée des sexes et attirance réciproque réprimée pour raisons professionnelles. « No zob in job« , c’est le slogan de toute romance qui naîtrait au bureau, en l’occurrence ici à la NASA. Greg Berlanti, surtout connu comme producteur de séries TV, s’en donne à coeur joie pour reconstituer de manière euphorisante l’atmosphère des années soixante, avec force décors impressionnants et bande-son aux petits oignons, et faire naître une romance relativement attendue entre l’ultra-sexy Kelly Jones et le plus placide directeur de la mission, Cole Davis. Si le tandem fonctionne ici particulièrement bien, c’est que Channing Tatum a justement l’intelligence de s’effacer, sachant par avance ne pas pouvoir rivaliser avec l’abattage fantastique de Scarlett Johansson qui prouve encore une fois qu’elle est l’une des meilleures actrices de comédie de la planète, n’ayant eu assez peu d’occasions de le prouver au cours de sa carrière.

Il faut dire que l’on pourrait voir tout un film avec Scarlett, sans même la voir, tant sa présence est suffisamment exprimée par sa voix rauque et sensuelle à damner un saint. C’est d’ailleurs déjà arrivé (le film) puisque Her, l’un des meilleurs films des années 2010, nous a confrontés à cette bien étrange expérience, entendre tout du long la voix de Scarlett Johansson sans jamais la voir. Cette voix subtilement grave et éraillée joue ici de toutes ses nuances pour exprimer le moindre détail, la plus infime variation du scénario de To the moon. Car, après une première partie sous forme de comédie romantique classique, où l’on se plaît à imaginer les étincelles que Johansson aurait pu créer sous la direction de Hawks, Capra, McCarey, Cukor ou Wilder, To the moon révèle un arrière-plan plus ténébreux : Kelly a changé en fait sans cesse de nom, a dû quitter sa mère pour des raisons dramatiques et s’est attachée à son métier d’experte marketing et de publicitaire car elle y voyait une correspondance certaine avec son obligation naturelle de duplicité et de mensonge.

Au-delà donc de sa façade de divertissement estival parfaitement mis en scène et rythmé, To the moon exprime donc à merveille les puissances et les séductions du faux. Ceci est même accentué lorsqu’on entre dans le vif du sujet, soit la mise en place de l’opération Artémis, jumelle de l’opération Apollo, destinée à faire prendre pour vrai ce qui est faux, opération prévue en cas de déraillement du véritable atterrissage sur la Lune. Cela donne lieu au morceau de bravoure du film, cocasse et délirant, la reconstitution de l’opération Apollo, avec une tentative de faire prendre le faux pour le vrai, alors que le vrai est diffusé partout, sur les écrans de télévision du monde entier.

Comme il est parfaitement résumé à la fin du film, « un mensonge reste un mensonge, même si tout le monde y croit. La vérité demeure toujours la vérité, même si personne n’y croit« . Entre mensonges et vérité, To the moon trace sa voie joviale et jubilatoire, avec une rare affection envers ses personnages, et une bonté bienveillante qui ne cherche pas à accuser ou à incriminer mais à réconcilier les bords opposés.

3.5

RÉALISATEUR : Greg Berlanti
NATIONALITÉ :  américaine 
GENRE : comédie, romance 
AVEC : Scarlett Johansson, Channing Tatum, Woody Harrelson 
DURÉE : 2h11 
DISTRIBUTEUR : Sony Pictures Releasing France 
SORTIE LE 10 juillet 2024