Tin Can : l’étain sonne creux

Des grands succès de Denis Villeneuve aux succès critiques plus intimes comme ceux de Brandon Cronenberg, on peut dire que la science-fiction canadienne connaît de beaux jours. C’est dans cette lignée de productions ambitieuses et esthétiquement épurées que prétend s’inscrire Seth A. Smith avec Tin Can, un long-métrage de science-fiction présenté en compétition internationale à la 27ème édition de l’Étrange Festival. Vaguement inspiré par l’expérience du Covid, le réalisateur propose un troisième film esthétiquement ambitieux, qui a malheureusement oublié quelque part en route que pour faire un bon film, parfois, il faut aussi un scénario.

Dans un futur proche, le monde est touché par une grave pandémie. Les personnes atteintes par le « Corail » perdent peu à peu leur liberté de mouvement, avant de plonger dans une spirale de souffrance dont seule la mort pourra les délivrer. Dans ce monde, Fret, parasitologue fascinée par les blobs, tient peut-être entre ses mains la bactérie qui permettra d’endiguer l’épidémie. Alors qu’elle touche au but, elle se fait prendre en embuscade et se réveille désorientée dans une chambre d’hibernation – dont elle tentera par tous les moyens de s’échapper.

On ne peut décrire Tin Can autrement que comme un énorme gâchis : sabordant un travail esthétiquement et techniquement irréprochable au niveau visuel, Seth A. Smith creuse la tombe de son propre film en l’empêtrant dans une trame narrative et romantique désastreuse.

Tin Can est un film qui souffre d’énormes problèmes, mais ce n’est certainement pas dans sa direction visuelle qu’il pêche. En effet, le film est une réussite incontestable tant au niveau des effets spéciaux que des décors, des lumières et de la mise en scène. Jouant dans sa première partie le jeu de la claustrophobie, le metteur en scène sublime l’espace clos dans lequel est enfermée Anna Hopkins en le filmant avec inventivité dans des plans très resserrés, construisant méthodiquement par le montage et le jeu sur les formats d’image l’espace perçu par le personnage au fur et à mesure qu’elle reprend ses esprits et tente de s’échapper. Un cadrage glauque accentué à la perfection par les lumières transversales, qui ricochent à merveille sur les murs de la cabine. Le travail des matériaux dans les décors est aussi particulièrement remarquable : les murs en métal usé répondent aux costumes dorés – les fameuses « boîtes d’étain » du titre – dans des décors crépusculaires et évocateurs qui se dévoilent toujours un peu plus au fil de l’intrigue. Les maquillages et effets spéciaux sont loin d’être en reste : les effets du Corail sont techniquement irréprochables, très tactiles et dégoulinants dans leur réalisation, résonnant étrangement avec les grands environnements métalliques et leurs lumières obscures. Techniquement, Tin Can avait donc tous les ingrédients pour être une véritable réussite, et le film mérite l’attention au moins pour ses effets visuels.

Mais Seth A. Smith a commis une énorme erreur en pensant qu’une direction visuelle exemplaire pouvait lui permettre de se dispenser d’un scénario. Si pendant les vingt premières minutes du film, l’illusion tient – notamment grâce au cadrage très rapproché et claustrophobe, qui filtre le peu d’informations que le scénario révèle peu à peu au spectateur – le récit devient progressivement de moins en moins convaincant, jusqu’à atteindre le stupide. Tin Can se perd de fausses pistes en fausses pistes jusqu’au milieu du film, mettant timidement les pieds dans les codes de l’escape game, du film-catastrophe, de la science-fiction, mais sans jamais aller au bout de ses essais brouillons. Cependant, le pire du scénario est probablement son revirement à 180 degrés dans sa deuxième partie, après avoir introduit une histoire d’amour absolument invraisemblable et particulièrement ratée. Ponctuant son histoire de flashbacks de moins en moins convaincants à mesure que le film avance, Seth A. Smith choisit de changer son film en une histoire d’amour cruelle qui ne convaincra absolument personne. Le résultat ? Un drame bancal qui ruine méthodiquement tout le travail d’une équipe visuelle et technique talentueuse à coups de pistes scénaristiques artificielles et de plot twists nuls. Regrettable, pour un film qui, sur le papier, avait tant à offrir.

On ne peut décrire Tin Can autrement que comme un énorme gâchis : sabordant un travail esthétiquement et techniquement irréprochable au niveau visuel, Seth A. Smith creuse la tombe de son propre film en l’empêtrant dans une trame narrative et romantique désastreuse. Une contre-performance navrante, pour laquelle le réalisateur devra très certainement des excuses à ses collaborateurs et son équipe technique.

2.5

RÉALISATEUR :  Seth A. Smith
NATIONALITÉ : Canadienne
AVEC : Anna Hopkins, Simon Mutabazi, Michael Ironside
GENRE : Science-fiction, Horreur
DURÉE : 1h44
DISTRIBUTEUR : Inconnu
SORTIE LE Prochainement