Le cinéma en 2024 a été marqué par une critique audacieuse de l’objectification féminine à l’écran (The Substance), et bien que le film de Gia Coppola ne soit en rien explicite, il s’attaque néanmoins au même problème. Après avoir exploré le désarroi adolescent (Palo Alto, 2013) et la médiatisation de la vie moderne (Mainstream, 2020) dans ses deux précédents films, la petite-fille de Francis Ford Coppola s’intéresse dans The Last Showgirl au déclin du parcours professionnel d’une danseuse, enveloppant tous les conflits inhérents à ce sujet dans une forme d’une extrême pudeur.
Le film se concentre sur Shelly Gardner, une showgirl vieillissante ayant consacré les trente dernières années de sa vie au spectacle de revue à la française Le Razzle Dazzle à Las Vegas. Alors que le show s’apprête à fermer, victime du désintérêt croissant du public, Shelly doit s’adapter à cette nouvelle réalité et se confronter inévitablement aux choix de son passé.
La grâce avec laquelle Pamela Anderson incarne ce personnage ambivalent est véritablement impressionnante.
Selon les lois du drame, il est difficile de s’attacher à une simple victime, et placer un personnage aussi passif que Shelly au centre du récit est un choix audacieux, mais discutable. En effet, tout au long du film, elle se révèle totalement déconnectée de la réalité et échoue dans tout, hormis la danse — mais, même dans cette dernière, sa maîtrise paraît discutable. L’attention portée à un tel personnage est inédite, voire excessive, au point de faire perdre l’espoir de voir en elle la moindre source d’inspiration après une heure et demie passée en compagnie de cette héroïne insouciante.
Néanmoins, la grâce avec laquelle Pamela Anderson incarne ce personnage ambivalent est véritablement impressionnante. Heureusement, le film ne manque pas d’autres performances féminines marquantes. Fait remarquable, le personnage d’Annette, amie de Shelly et incarnée avec brio par Jamie Lee Curtis, représente une femme encore moins chanceuse : déjà évincée du spectacle, elle travaille désormais comme serveuse dans un bar à cocktails. Puisque le drame du film repose en surface — ou plutôt, sur l’apparence — il est fascinant de suivre l’évolution des personnages, car leurs conflits, aussi intérieurs soient-ils, se traduisent pleinement par leur transformation physique. Ainsi, le dernier numéro de danse d’Annette, autrefois splendide mais désormais flétrie, au bord du licenciement au profit de collègues plus jeunes, n’est pas forcément frappant de manière dramatique, mais atteint une réelle intensité émotionnelle grâce au développement subtil de son passé. Cet attachement au contexte va bien plus loin dans le film, puisque Jamie Lee Curtis et Pamela Anderson provoquent tous deux une comparaison inévitable avec leur propre parcours professionnel difficile.
Sublimé par une photographie élégante, The Last Showgirl ne dévoile véritablement le spectacle Le Razzle Dazzle qu’à la fin — comme si l’idée centrale du film ne trouvait sa matérialisation que trop tard. De la même manière, tout ce que Shelly a idéalisé toute sa vie ne s’avère être qu’un spectacle, un mythe, un costume usé, nécessitant des réparations plus qu’incertaines. Trop absorbée par son show, que lui reste-t-il une fois qu’il s’achève?
RÉALISATRICE : Gia Coppola NATIONALITÉ : américaine GENRE : drame AVEC : Pamela Anderson, Dave Bautista, Jamie Lee Curtis, Kiernan Shipka, Brenda Song, Billie Lourd DURÉE : 1h29 DISTRIBUTEUR : Sony Pictures Releasing France SORTIE LE 12 mars 2025