Sublime : une romance d’un autre temps

Premier long-métrage du réalisateur Mariano Biasin, présenté à la Berlinale 2022, Sublime aurait pu l’être si son contenu ne penchait pas vers une romance très convenue, d’un autre âge, ou alors ne s’adressant qu’à un public jeune désireux de découvrir une histoire d’attirance ambiguë. Si le fond possède un postulat de base intéressant, la forme bénéficie d’une absence bien préjudiciable à l’équilibre de ce long-métrage. Si l’intention du cinéaste semble claire, lui qui souhaitait filmer un rapprochement charnel, les longueurs et un sentiment d’ennui se dessinent, avec un récit d’amour sans relief et sans véritable essence. Dans un film où les sonorités mettent en musique les sentiments, l’impression de voir une œuvre singulièrement datée et hors du temps domine, tel un teen-movie médiocre manquant sa cible.

Manuel vit la vie d’un adolescent normal, va à la plage et compose des morceaux au sein d’un groupe avec son meilleur ami Felipe. Rapidement, le jeune homme comprend que son rapport amical est tout autre.

Film lancinant et parfaitement oubliable, Sublime s’inscrit dans la lignée des productions où le romantisme et les récits amoureux s’entremêlent, pour donner un résultat décevant, long, et sans saveur. Si l’ambiguïté des sentiments éprouvés par ce jeune homme pour son ami musicien ne se trouve nullement dénué d’intérêt, la façon dont cette relation est mise en scène reste relativement classique, d’un académisme déstabilisant et décrédibilisant ce film souffrant de beaucoup de longueurs inutiles.

D’une éventuelle histoire humaine puissante accouche néanmoins une bluette sentimentale adolescente ne possédant la matière suffisante pour convaincre. Mariano Biasin ne réussit jamais à capter les émotions des premiers émois, ne saisit pas les instants magiques d’une rencontre, ni à définir véritablement la force du lien unissant ces deux jeunes hommes, à tel point que cette attirance ressentie passe inaperçue aux yeux des spectateurs se languissant rapidement devant un développement lent et la sensation de voir une banale amourette. Le film excelle dans le romantisme caché, avec ces notes de musique exprimant les souhaits amoureux, mais les envolées musicales, délibérément rock, donnent cependant une œuvre à l’eau de rose, une guimauve superficielle et sans âme remplie d’inutiles mièvreries. Sublime pêche autant dans sa construction, longue et bancale, que dans son écriture peu inspirée d’un adolescent cherchant son orientation sexuelle, sexualité paraissant à l’écran d’une telle confusion que le spectateur se perd logiquement dans cette recherche brouillonne du plaisir charnel. De conquête en passage à l’acte, Mariano Biasin décrit, sans souffle, cette quête de désir, d’éveil des sens, des débuts intimes, la caméra filmant platement ce plaisir partagé. Les platitudes se succèdent, avec la question qui taraude tout du long, celle de savoir l’intention première du cinéaste, s’il voulait mettre en scène un fantasme caché ou une véritable attirance.

S’il échoue lamentablement dans son objectif de filmer les illusions sexuelles d’un jeune homme, il manque également celui de décrire ce qu’il y a de sublime dans une relation. Le titre traverse l’esprit durant deux longues heures, sans vraiment trouver sa signification dans le contenu. Rien n’indique, n’évoque, ne retransmet la chaleur humaine, les palpitations cardiaques, la proximité des corps. Le film reste constamment dans une superficialité ennuyeuse, avec une relation aux faibles contours et dont la supposée puissance ne crève pas l’écran. Seule la musique les rapproche, mais les (trop) nombreuses scènes musicales apportent toutefois peu de crédibilité à ce récit. Malgré une bande-son titillant harmonieusement les oreilles des mélomanes, le film n’atteint pas un niveau de décibels permettant de s’électriser à l’écoute des paroles faisant office de confessions sentimentales. Seuls les couplets et les refrains ont une part de sublime, dans un interminable concert d’amour éphémère, sans étincelles. Certes, Sublime traite aussi d’un lien d’amitié fort, indéfectible (de loin ce qu’il y a de mieux), mais, là aussi, le bouillonnement interne et les sensations à fleur de peau ne se ressentent pas, dans un long-métrage vain laissant sur le bord du chemin, un prétendu passage à l’âge adulte ressemblant à un teen-movie, d’un autre temps.

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RÉALISATEUR :   Mariano Biasin
NATIONALITÉ : argentine
GENRE :  Romance
AVEC : Martin Miller, Teo Inama Chiabrando
DURÉE : 1h40
DISTRIBUTEUR : Outplay Films
SORTIE LE 17 mai 2023