Stars at noon : Emmanuelle au Nicaragua

Au début du Festival de Cannes 2022, une information a fait grand bruit, une relecture féministe de Emmanuelle, le grand classique érotique de Just Jaeckin avec Sylvia Kristel, relecture par un trio de femmes, Audrey Diwan (L’Evénement) à la réalisation, Rebecca Zlotowski au scénario et l’incontournable Léa Seydoux à l’interprétation. Autant dire que ce film sera très attendu dans les mois qui viennent. On ne pensait pourtant pas hériter pendant cette programmation cannoise d’un ersatz d’Emmanuelle avec la diaphane Margaret Qualley, perdue au Costa Rica, dans une intrigue vaguement politico-économique, elle aussi réalisée par une femme, Claire Denis. On espère l’Emmanuelle d’Audrey Diwan d’un autre niveau car Stars at noon s’impose comme l’un des plus mauvais films de la compétition, ex aequo avec Tori et Lokita, surprenant de fainéantise narrative et de bâclage cinématographique de la part d’une cinéaste aussi expérimentée.

Une jeune journaliste américaine en détresse bloquée sans passeport dans le Nicaragua d’aujourd’hui en pleine période électorale rencontre dans un bar d’hôtel un voyageur anglais. Il lui semble être l’homme rêvé pour l’aider à fuir le pays. Elle réalise trop tard qu’au contraire, elle entre à ses côtés dans un monde plus trouble, plus dangereux.

Stars at noon s’impose comme l’un des plus mauvais films de la compétition, ex aequo avec Tori et Lokita, surprenant de fainéantise narrative et de bâclage cinématographique de la part d’une cinéaste aussi expérimentée.

Trish, jeune journaliste, veut percer dans le métier mais a échoué au Nicaragua où elle survit en vendant ses charmes au plus offrant, policier ou homme d’affaires, qu’elle drague dans des bars. Dès le synopsis, il est facile de s’apercevoir qu’il faudra une très grande Claire Denis pour relever le défi d’une intrigue aussi compassée. Or malheureusement, la grande Claire se contente de filmer paresseusement les paysages du Nicaragua, arpentés par la sylphide Margaret Qualley, jolie actrice qui a de qui tenir, étant la fille de Andie McDowell. Or si Andie a joué dans quelques classiques (Sexe, mensonges et vidéo, Quatre mariages et un enterrement, Un jour sans fin), Margaret ne semble pas posséder les mêmes capacités dramatiques que sa divine mère. Etalant sa jolie et mince silhouette, elle arbore un minois relativement inexpressif, qui la rapprocherait d’une certaine Sylvia Kristel, d’où le rapprochement avec Emmanuelle, au point qu’au bout de la troisième scène qui la voit remettre furtivement sa culotte fine, le spectateur est en droit de se demander s’il ne s’est pas égaré dans une faille spatio-temporelle à regarder les programmes du dimanche soir après 22h sur M6.

Intrigue inconsistante, dialogues ineptes, interprétation transparente : il est permis de s’interroger sur la sélection de ce ratage absolu de Claire Denis, à croire que la Sélection Officielle a voulu s’offrir un petit frisson érotique à très bon marché. Car même sur le plan de l’érotisme, le film se traînant pendant plus de 2 heures quinze, il ne remplira guère son office auprès des érotomanes. Claire Denis instille de loin en loin entre deux scènes un peu déshabillées, un semblant de critique sociale et politique qui enfonce allégrement des portes ouvertes : oui, le pays est contrôlé, oui, la police nous surveille, oui, on ne peut faire confiance à personne. Autant dire que cet ersatz de film ne remplit pas non plus sa mission d’un point de vue politique.

En regardant les crédits du générique, on s’aperçoit de la raison de ce désastre : Léa Mysius a participé au scénario de Stars at noon, après avoir ruiné Les Olympiades de Jacques Audiard. laissé s’enliser L’Adieu à la nuit d’André Téchiné et participé aux deux Desplechin les plus faibles de ces cinq dernières années, Les Fantômes d’Ismael et Roubaix, Une lumière. Il convient alors de se demander pourquoi le cinéma français s’arrache une telle fossoyeuse du cinéma d’auteur, ce qui demeure un mystère. Claire Denis, que l’on a connue beaucoup plus inspirée, (le chef-d’oeuvre Trouble everyday, en particulier), ne parvient pas à tirer son film et son héroïne d’une torpeur typique de l’Amérique du Sud que certains essaieront de faire passer pour élégamment atmosphérique. Nous avons pourtant suffisamment défendu dans ces colonnes le cinéma de femmes et nombre de films réalisés par des femmes, pour ne pas être suspectés de l’ombre d’une misogynie mais en aucun cas, il ne s’agissait de défendre un genre, mais surtout le bon cinéma, qu’il vienne des femmes tout autant que des hommes. Etre une femme réalisatrice ne constitue pas une garantie de qualité, une assurance tous risques ni un passe-droit. Contrairement à des sites de niche qui voudraient faire passer tout film réalisé par une femme comme une merveille absolue, nous préférons le bon cinéma d’où qu’il vienne.

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RÉALISATEUR :  Claire Denis 
NATIONALITÉ : francaise, britannique 
AVEC : Margaret Qualley, Joe Alwyn, Danny Ramirez, Benny Safdie
GENRE : Drame, romance, thriller
DURÉE : 2h17 
DISTRIBUTEUR : Ad vitam 
SORTIE LE Prochainement