Spider-Man : No way home : identité et célébrité

Après Spider-Man : Homecoming et Spider-Man : Far from Home, Spider-Man : No way home souligne au cas où on ne l’aurait pas compris que le foyer ou le bercail, à conquérir, à réintégrer ou à constituer, demeure la problématique principale de ce reboot de Spider-Man. Avouons-le, on n’aurait pas donné cher au départ d’un reboot de la franchise Spider-Man, surtout après celui abandonné en cours de route de The Amazing Spider-Man qu’avait entrepris Marc Webb (500 jours ensemble). Sans aller jusqu’à faire complètement oublier la trilogie historique de Sam Raimi qui demeure inatteignable, cette nouvelle trilogie se situe stratégiquement entre celle de Raimi et celle avortée de Marc Webb, en se trouvant nettement du côté Raimi. Humour, effets spéciaux, vivacité de la narration, se sont donnés rendez-vous. Mais ne brûlons pas les étapes. Quid de cette étape finale de cette nouvelle trilogie, censée ouvrir un nouveau chapitre très important du MCU au cinéma, pour une bonne dizaine de films qui vont suivre?

Malgré sa mort, Quentin Beck/Mysterio a tendu un piège fatal à Spider-Man, en révélant sa véritable identité au monde entier, celle de l’adolescent Peter Parker. Depuis, ce dernier est en butte aux accusations et à un lynchage sur les réseaux sociaux. L’amour et l’amitié indéfectible de ses proches MJ et Ned, la tante May et Happy, leur cause du tort dans leur vie quotidienne, au point que Peter Parker va finalement voir le Doctor Strange pour pouvoir faire oublier son identité au monde entier, ce qui va déchaîner un déferlement d’adversaires inconnus de Peter Parker, venus d’ailleurs…

Les principaux atouts de la franchise demeurent exactement les mêmes : un humour assez irrésistible, bien qu’un peu facile, une distribution mettant en valeur la diversité (la charismatique Zendaya en MJ en lieu et place de Kirsten Dunst, Jacob Bantalon toujours excellent en Ned, le meilleur ami de Peter Parker), des effets spéciaux qui ne lésinent pas sur la surenchère et le spectaculaire, une mise en scène nerveuse et vive qui n’a pas grand’chose à envier à certains films du cinéma US indépendant, cinéma qui est le cocon d’origine de Jon Watts. Ce qui change, c’est qu’après avoir balancé entre deux pères de substitution (Tony Stark et le Vautour interprété par Michael Keaton dans Spider-Man : Homecoming), puis donné sa confiance à un ami se révélant être un traître (Mysterio campé par Jake Gyllenhaal), Peter Parker se retrouve face à lui-même et aux conséquences de son identité affectant ses proches. Il se résout alors à aller voir Doctor Strange (Benedict Cumberbatch, impavide et pratiquant comme à son habitude l’humour pince-sans-rire) pour lui demander de créer un sortilège lui permettant de redevenir anonyme, mais en voulant faire des exceptions pour ses proches, il met la pagaille dans la bonne réalisation du sortilège. D’une certaine manière, Peter Parker aurait dû être kantien et pratiquer davantage l’impératif catégorique pour ne pas brouiller les frontières entre les divers univers.

Spider-Man : No way home s’avère plutôt un film sur les ravages et les désavantages de la célébrité, dans une société où la permanence de la vie publique devient un impératif et une contrainte.

Alors qu’un Mark Zuckerberg nous propose comme proposition assez terrifiante de vie le metavers, un univers où un double virtuel se substituerait à nous pour réaliser un grand nombre d’activités, Spider-Man : No way home ouvre la voie au cinéma au multivers, voie déjà ouverte dans les séries WandaVision et Loki, visibles sur la plateforme Disney+, soit l’existence d’univers parallèles où un seul et même personnage peut avoir des aventures différentes. En l’occurrence, Spider-Man : No way home propose un grand spectacle généreux qui permet de réintégrer les sept volets antérieurs des aventures de Spider-Man, quel que soit leur degré de réussite, y compris donc The Amazing Spider-Man. L’idée fabuleuse de ce huitième volet consiste donc à considérer les différents « reboots » de Spider-Man comme des univers parallèles où existent des versions distinctes de Peter Parker. L’idée est en effet vertigineuse et permettrait de voir s’aventurer différentes versions des personnages dans des univers auxquels ils n’appartiennent pas. Or, reconnaissons-le, cette innovation est utilisée bien timidement ici, alors qu’elle aurait permis un complet délire fictionnel où les jeux de mise en abyme auraient permis de se perdre dans des dédales jubilatoires. Tel quel, le metavers est de manière assez décevante utilisé au strict minimum de ses possibilités, bien loin de la désorganisation lynchienne qu’il aurait pu engendrer.

Néanmoins ceci n’empêche pas Spider-Man : No way home de se révéler un très bon film de divertissement, même s’il échoue à atteindre des sommets narratifs qui lui paraissaient promis. On pourra regretter également que, pour pouvoir déployer l’ampleur tragique requise pour un troisième volet final (voire un huitième volet récapitulatif), les scénaristes aient recouru à la solution un peu trop attendue, prévisible et mélodramatique de la disparition de l’un des personnages les plus aimés de la distribution. Quoi qu’il en soit, parmi le retour des nombreux antagonistes, Willem Dafoe et Alfred Molina tirent parfaitement leur épingle du jeu tandis que les autres font presque de la figuration, en dépit de leurs talents respectifs. Le trio des inséparables, Tom Holland-Zendaya-Jacob Bantalon, fonctionne à plein, faisant preuve d’une alchimie rare, et donnant une jeunesse inaltérable à leurs personnages. En fin de compte, le métavers est assez peu exploité ; il le sera sans doute bien davantage dans le prochain Doctor Strange dont la bande-annonce fait l’objet de la scène finale post-générique. Spider-Man : No way home s’avère plutôt un film sur les ravages et les désavantages de la célébrité, dans une société où la permanence de la vie publique devient un impératif et une contrainte.

3.5

RÉALISATEUR : Jon Watts  
NATIONALITÉ : américaine 
AVEC :  Tom Holland, Zendaya, Jacob Bantalon, Benedict Cumberbatch, Willem Dafoe, Jamie Foxx, Rhys Ifans, Alfred Molina, Thomas Haden Church
GENRE : Action, aventure, fantastique 
DURÉE : 2h29
DISTRIBUTEUR : Sony Pictures
SORTIE LE 15 décembre 2021