Spencer : Lady Di dit

Noël en famille. Ou bien, Shining à Sandringham. Premier contact avec le cinéma de Pablo Larraín . Autant vous prévenir tout de suite, la rencontre n’a pas été concluante. Je crois même que c’est la nouveauté que j’ai le plus détestée depuis (mettez le titre du film que vous avez le plus détesté ces derniers temps) — peut-être même encore plus, c’est dire. Alors question esprit de Noël, sorry, too late, revenez dans 48 semaines. Mais pourquoi donc, vous inquiéterez-vous. Plans kubrickiens de véhicule avançant sur des routes de campagne — non pas la Coccinelle appartenant à je ne sais quel écrivaillon psychotique, mais un cabriolet Porsche 911 de princesse, observé en tout état de cause depuis la hauteur d’un hélicoptère kubrickien. Demeure kubrickienne, équipée de cuisines kubrickiennes, aux couloirs kubrickiens parcourus en travellings kubrickiens, éclairés par une lumière kubrickienne, peuplés de personnages kubrickiens — cf. l’espèce de chargé du protocole, grimaçant et figé.

C’est comme si le film était lui-même le chef de protocole, et que tout était fait pour que le spectateur se sente exactement comme Diana.

Parlons-en, de ce personnage, ça me permettra peut-être de réussir à vous expliquer les raisons de mon déplaisir. Je concède qu’il est amusant cinq minutes, on se dit, Ah, mais c’est le retour de Delbert Grady. Cependant, lorsqu’on se rend compte qu’il s’agit du personnage principal (je veux dire, après Diana, bien sûr), on déchante. C’est que, comme lui, le film joue du début à la fin une partition sur une seule note, toujours la même. Diana, enfermée dans sa prison dorée et si malheureuse, Diana, aux toilettes toujours renouvelées, Diana, qui se demande si elle n’est pas en train de devenir folle, Diana, auscultée sous toutes les coutures par une caméra omnipotente. Autre référence, outre Shining et Barry Lyndon, j’ai pensé à Jeanne Dielman. Mais c’est l’antithèse. Dans le chef-d’œuvre d’Akerman, d’abord, on ne pense jamais à la caméra, et ensuite et surtout, on a un personnage dont l’opacité nous fait nous interroger constamment. Ici on saisit tout, tout le temps, comme sur une radiographie. Ce qui fait que bien vite on s’ennuie.

Vous me direz, Oui mais, Kristen Stewart et son petit mouvement d’épaule aristocratique, oui mais la photographie, oui mais Harry et William enfants, oui mais la fin. Hélas, ce n’est pas du cinéma, c’est du Visual Basic. Tout est prévu et prévisible, tout est à sa place et rien ne dépasse, tout est programmé, y compris la fin — OK, c’est vrai, c’est moins triste que Jeanne Dielman, et cette fin fait un peu du bien, après le supplice que constitue tout le reste, mais c’est tellement appuyé. Au fond, c’est comme si le film était lui-même le chef de protocole, et que tout était fait pour que le spectateur se sente exactement comme Diana. Bien joué, eh.

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RÉALISATEUR : Pablo Larraín 
NATIONALITÉ : américaine, britannique.
AVEC : Kristen Stewart, Timothy Spall, Jack Nielen.
GENRE : Biopic, drame.
DURÉE : 1h57 
DISTRIBUTEUR : Amazon Prime 
SORTIE LE 17 janvier 2022