C’est le troisième long-métrage de sa réalisatrice qui produit un film pour le cinéma environ tous les dix ans – son dernier, September, date de 2013. L’histoire se passe en Grèce dans une toute petite ville au bord de la côte méditerranéenne. Costas, la trentaine, vient d’obtenir un travail d’agent de sécurité dans l’hôpital du coin où il est de service la nuit. Il vit encore chez sa mère dans une maison délabrée qui prend l’eau, que jouxte un oranger, aussi desséché que la vie de Costas se traîne, entre son boulot, ses sorties accompagnées de bière et de joints avec les copains de sa petite amie – qui, de son côté, poursuit des études – et le domicile familial. On apprend que, symboliquement, l’oranger dépérit depuis la mort du père : il manque une autorité forte pour tenir encore dressé l’édifice familial qui tend à vaciller.
En effet, le film nous offre le paysage d’une Grèce déshéritée, pauvre et à bout de souffle. L’hôpital manque de moyens et les médecins font comme ils peuvent avec les patients qui viennent s’agglutiner dans la salle d’attente. Il faut les transférer ailleurs pour pouvoir les opérer dans de bonnes conditions. Le bord de la route est parsemé de gargotes en planches de bois où l’on mange sur le pouce. Les alentours de la ville jonchés de détritus – cageots, cannettes vides de bière, etc… – livrent un espace fermé de tous côtés. On ne voit d’ailleurs la mer qu’à travers le grillage d’un parc de jeu pour enfants abandonné et envahi par les herbes ou par la fenêtre de ce qui semble être le seul restaurant de la plage, misérable auberge où travaille la belle-sœur de Costas, Chrysa, pour survivre. Dépressive et suicidaire, en plus de forcer sur la bibine – les bouteilles d’alcool et les cartons de pizza vides qui s’entassent sur la table du séjour – elle ne peut plus s’occuper de son enfant, la petite Nicky.
Quel choix fera-t-il et est-il possible de vivre décemment sans vendre son âme au diable, dilemme auquel est confronté le personnage avec lequel on est susceptible d’entrer en empathie.
Tout donne l’impression d’une misère qui ronge l’espace et les personnages désabusés du drame. Au milieu de ce tourbillon de poussière, Costas tente de surnager avec pour seule arme sa bonne volonté et son cœur amoureux de Stella. Un couple déséquilibré d’ailleurs qui, comme le reste des éléments du récit, menace inconsciemment de s’effondrer : Costas qui a obtenu à grand-peine son travail – on devine d’après les mots de la mère qu’il était auparavant sans emploi : le chômage endémique du pays et le coût élevé de la vie par rapport à des salaires trop bas planent d’ailleurs sur le groupe d’étudiants et sur l’ensemble des personnages en général ; en cela le film est d’actualité et s’ancre dans la réalité sociale – paraît un personnage privé d’avenir social alors que Stella, par ses études, rêve de mieux que sa situation présente ne peut lui offrir.
Oui, Costas est de bonne volonté : après la mort de son frère, il prend la petite Nicky sous son aile et veille à son éducation avec amour et tendresse, il fait ce qu’il peut pour aider les patients de l’hôpital, désespérés, impatients et irritables ou tout simplement prostrés et il aide même Chrysa à retrouver peut-être goût à la vie en la visitant au sein de sa tour d’immeuble accompagné de sa petite fille pour passer un moment et une journée agréable avec elle. C’est tout le contraste entre le marasme dans lequel est plongé le personnage et sa volonté de se maintenir à flot sans faillir à son intégrité qui fait l’intérêt du film. Ce dernier nous propose d’assister à l’errance psychologique d’un homme tenté par un médecin cynique et cruel de livrer un faux témoignage contre de l’argent, argent dont a besoin Costas pour payer les mensualités de la maison de sa mère. Quel choix fera-t-il et est-il possible de vivre décemment sans vendre son âme au diable, dilemme auquel est confronté le personnage avec lequel on est susceptible d’entrer en empathie. Mis à part un côté quelque peu misérabiliste et un rythme qu’on eût voulu plus soutenu – la tension que ressent le personnage ne se fait pas suffisamment sentir – le film nous offre un portrait cru et lucide de la Grèce d’aujourd’hui qui ravira les amateurs d’un cinéma réaliste engagé.
RÉALISATEUR : Penny Panagiotopoulou NATIONALITÉ : Grèce, France, Allemagne, Chypre GENRE : Drame AVEC : Giannis Karampampas, Efthalia Papacosta, Garoufalina Kontozou DURÉE : 2h DISTRIBUTEUR : Epicentre Films SORTIE LE 20 août 2025