Après deux suites pas forcément indispensables (Les indestructibles 2 et Toy Story 4) et un film original pas excessivement inspiré (En avant), Pixar revient avec Soul, réalisé par Pete Docter, le réalisateur de Là-haut et Vice-Versa, deux éléments importants tant les filiations ressortent dans Soul.
Le postulat de départ du film tend vers l’existentiel : un musicien de jazz, Joe, raté meurt pile le jour où il décroche une place auprès d’une musicienne qu’il idolâtre. Son âme se retrouve aux portes du Grand Au-delà, mais réussissant à s’échapper, elle se retrouve… au Grand Avant, là où les âmes des futurs humains se développent avant d’être envoyées sur Terre. Joe se retrouve à devoir coacher 22, une âme qui n’a toujours pas réussi à trouver une « raison » de pouvoir aller sur Terre, lui manquant l’étincelle nécessaire pour permettre son départ. Mais lorsque 22 et Joe réussissent à décoller vers la Terre, les quiproquos s’enchaînent…
Là où le film pêche un peu, c’est dans sa structure narrative, victime d’un léger ventre mou passées les 30 premières minutes. Facile de comprendre pourquoi : coincées entre une ouverture plastiquement dantesque et un dernier tiers efficace et touchant, le milieu du film s’avère bien plus classique dans sa facture, notamment basée sur les mésaventures de Joe et un chat trouvé par hasard. Les quelques gags parsemant cette section sont plutôt drôles mais extrêmement simples, pour ne pas dire téléphonés, et cela tranche foncièrement avec la qualité de ce qui a précédé et ce qui suit.
Après l’acceptation de la mort et la dépression, Pixar s’attaque à la poursuite du bonheur, la définition d’une vie réussie et la notion de prédestinée. Rien que ça.
Car en effet, après Toy Story 3 qui expliquait l’acceptation de la mort aux enfants (Lee Unkrich est crédité au générique comme ayant été consulté) et Vice-Versa qui explorait lui la dépression chez les jeunes, Soul touche, avec une profondeur confondante de légèreté virevoltante, à la question du bonheur, sa recherche, sa poursuite, et tout ce qui définirait une vie bien remplie ou réussie. Pour cela, le film questionne notamment la notion de prédestinée et oppose l’inné et l’expérience acquise au gré du vécu. Si l’épilogue surligne un peu trop un aspect Carpe Diem plutôt prévisible, le déploiement des éléments de réflexion autour de ces notions se fait avec une maestria impressionnante, tant par les multiples directions philosophiques abordées que par la capacité du film de naviguer assez facilement au travers. En ce sens, les idées abordées en début de film dans le Grand Avant et plus tard en fin de film s’avèrent à la fois profondes et complémentaires mais aussi particulièrement accessibles, retrouvant la maestria psychologico-philosophique de Vice-Versa et l’émotion de Là-haut.
Cependant, Soul, c’est aussi et surtout une beauté plastique parfois renversante, en particulier dans ses élans minimalistes et abstraits caractérisant le Grand Au-delà et les éléments autour de celui-ci. Décomposant l’espace pour mieux le déstructurer, le design visuel du film offre probablement ce qui le studio à la lampe a fait de plus impressionnant depuis très très longtemps. Mais comme si ça ne suffisait pas, Pixar a délaissé les compositeurs plus classiques (Randy Newman & Michael Giacchino) et embaucher à la place le duo Atticus Ross & Trent Reznor pour un score électronique sublimant le film mais surtout tout particulièrement ces moments. Si leur style est immédiatement reconnaissable, il fonctionne ici en parfaite symbiose avec l’image et on en reprendrait bien pour une heure de plus… A côté, les contributions jazzy font évidemment sens compte tenu du thème du film et de son protagoniste, mais elles s’avèrent plus convenues.
D’une beauté plastique parfois renversante, le film offre dans ses moments abstraits ce que Pixar a probablement fait de plus impressionnant depuis très longtemps.
Enfin, impossible de ne pas mentionner que Soul est aussi un film à $150m dont le casting est massivement afro-américain, le co-réalisateur aussi, et qui a bénéficié de l’appui culturel de multiples personnalités afro-américaines comme les musiciens Herbie Hancock, Questlove (du groupe The Roots) ou encore Jon Batiste, dans une entreprise visant clairement à profiter de l’occasion pour dépeindre le plus justement possible la culture afro-américaine dans le film. Il faut cependant dire que pour autant, cela ne saute pas forcément aux yeux, mais peut-être est-ce le signe du caractère universaliste du film et de son sujet. On saluera cependant au passage le travail vocal très efficace, que ce soit celui de Jamie Foxx ou Tina Fey, mais aussi l’inimitable Richard Ayoade.
Impossible aussi de ne pas mentionner que le film, originellement prévu pour une sortie en salles mi-novembre 2020, ne sortira finalement que sur le plate-forme Disney+ le 25 décembre. Compte tenu du niveau esthétique proposé par moments par le film, c’est évidemment assez triste que les spectateurs n’auront pas le choix de pouvoir expérimenter cela en salles s’ils le souhaitent.