Pour son deuxième film, après Bluebird, traitant d’un ancien taulard cherchant à venger la fille de sa logeuse, victime d’une agression, Jérémy Guez, lui-même romancier et scénariste, adapte un roman de Peter Dexter, Brotherly love, sur la mafia de Philadelphie. Il parvient à en tirer un beau film d’atmosphère où un personnage va progressivement comprendre le passé de sa famille d’adoption, lorsqu’il sera confronté à une menace très importante visant son cousin. Se situant dans une filiation esthétique allant de Coppola, Scorsese à James Gray, Jérémy Guez s’en sort plutôt bien, assignant à son film de gangsters une noblesse de ton, une gravité tragique et un sens de l’autodestruction caractérisant ses personnages principaux.
A Philadelphie, une famille de mafieux irlandais a recueilli Peter trente ans auparavant à la mort de son père, dans des circonstances troubles. Face à la menace brandie par la mafia italienne contre son cousin Michael, aussi violent et exubérant qu’il est taiseux, Peter va redécouvrir sous un autre jour ce qui s’est passé trente ans auparavant…
On retrouve d’ailleurs la noblesse tragique de ton, caractéristique de James Gray, dans Sons of Philadelphia, ainsi que ses personnages tourmentés, quasiment bipolaires, réfrénant difficilement des envies suicidaires d’autodestruction.
Certains rapprocheront Sons of Philadelphia de Quand vient la nuit de Michael R. Roskam, via la présence toujours aussi magnétique de Matthias Schoenaerts. S’il existe des similitudes (l’univers mafieux, Schoenaerts dans un personnage de taiseux tourmenté), elles pèsent finalement assez peu par rapport à la différence de style. Quand vient la nuit possède un certain nombre de baisses de rythme qui font s’évaporer l’intérêt du film, alors que Sons of Philadelphia procède à une alternance subtile entre présent et passé, à travers des courtes séquences qui éclairent le comportement actuel des protagonistes. De plus, Sons of Philadelphia réussit à atteindre une grandeur tragique et une dignité sobre de ton qui le distinguent du tout venant. Lorsque le film commence, Peter et son cousin Michael dirigent ensemble un gang irlandais à Philadelphie, Michael étant le boss imprévisible et incontrôlable et Peter, son bras droit silencieux et efficace. Au fur et à mesure du film, Jérémy Guez va nous faire découvrir que Peter souffre d’un profond traumatisme qui le hante toujours aujourd’hui, ce qui va expliquer ses réactions à la menace visant son cousin Michael.
Bien plus qu’au film de Michael R. Roskam, Sons of Philadelphia nous fait surtout penser, toute proportions gardées, au Parrain II de Francis Ford Coppola, en raison des flash-backs enchassés dont le film est parsemé. Le passe explique le présent ; le présent révèle le passé. Le film est ainsi construit de ces va-et-vient incessants entre le passé et le présent qui expliquent au personnage pourquoi il agit de telle manière et ce qui a pu se passer trente ans auparavant. Mais peut-être encore plus qu’à Coppola, Guez se réfère de manière très directe aux classiques de James Gray, The Yards ou La Nuit nous appartient, qui dressaient déjà des conflits entre des frères ou des cousins très proches. On retrouve d’ailleurs la noblesse tragique de ton, caractéristique de James Gray, dans Sons of Philadelphia, ainsi que ses personnages tourmentés, quasiment bipolaires, réfrénant difficilement des envies suicidaires d’autodestruction. Malgré ces références qui pourraient s’avérer écrasantes, Jérémy Guez s’en sort avec les honneurs, tissant un film d’atmosphère dont la tonalité sombre et obsédante pourrait nous poursuivre.