Simple comme Sylvain : « l’attirance des contraires »

 Présenté dans la section Un Certain Regard, le nouveau film de Monia Chokri, Simple comme Sylvain a apporté un (petit) vent de fraicheur, entraînant les spectateurs de la salle Debussy dans des fous rires bienvenus.

Après La Femme de mon frère, comédie coup de cœur du jury d’Un Certain Regard en 2019, et Babysitter (2022), l’actrice et cinéaste québécoise livre une nouvelle comédie romantique plaisante et à l’énergie communicative. Sophia est professeure de philosophie à Montréal et vit en couple avec Xavier depuis 10 ans. Leur relation, basée sur la complicité culturelle notamment, est bienveillant. Sylvain est charpentier dans les Laurentides et doit rénover leur maison de campagne. Quand Sophia rencontre Sylvain pour la première fois, c’est le coup de foudre. Une complicité basée sur le physique et la sexualité. Les opposés s’attirent, mais cela peut-il durer ?

Simple comme Sylvain est vraiment très drôle, grâce à des dialogues ciselés qui se moquent gentiment (mais sûrement) de la condition sociale dans laquelle baigne Sophia

Sur cette trame assez convenue et surtout très prisée au cinéma (que l’on pense par exemple à My Fair Lady ou encore à Pretty Woman), on pouvait craindre une énième version du coup de foudre amoureux entre une bourgeoise un peu désabusée et un prolétaire « simple » et terriblement sexy (en la personne de l’acteur Pierre-Yves Cardinal, vu notamment chez Xavier Dolan dans Tom à la ferme ou Mommy). Or, le film se révèle plus intelligent que ne le laisse deviner le synopsis. Toute la première partie est une incontestable réussite. D’abord au niveau de l’écriture et du rythme donné à l’ensemble.

Aux considérations philosophiques sur l’amour, qui interviennent à intervalles réguliers, se mêlent alors une réflexion plutôt pertinente (mais tout de même déjà vue et revue) sur les classes sociales.

Simple comme Sylvain est vraiment très drôle, grâce à des dialogues ciselés qui se moquent gentiment (mais surement) de la condition sociale dans laquelle baigne Sophia : lors d’un repas avec des amis, on célèbre tout autant l’art que l’on dénigre ceux qui semblent incapables de l’apprécier. Les répliques fusent, un peu comme dans un grand cru allénien. Moment inévitable, la rencontre avec Sylvain et une attirance irrésistible. Monia Chokri capte parfaitement cet instant où tout vacille : et elle le fait avec une liberté et une énergie qui emporte tout. Par la même occasion, elle se permet de filmer des scènes de sexe de manière incandescente, mettant en avant le désir féminin (par des gros plans sur le visage de l’actrice). Avant que la satire sociale ne revienne au premier plan. Deux scènes se répondent en fait : les visites dans les familles respectives. Des moments à la fois comiques mais assez cruels où l’autre se sent extérieur ou piégé. De la gêne ressentie par Sylvain, se sentant jugé par la famille de Sophia ; mais aussi par cette dernière au sein de la famille « populo » de son nouveau chum (amoureux en québécois) où on lui fait remarquer qu’il sort avec « une intello ». Aux considérations philosophiques sur l’amour, qui interviennent à intervalles réguliers, se mêlent alors une réflexion plutôt pertinente (mais tout de même déjà vue et revue) sur les classes sociales.

Mais malheureusement, ce charme indéniable finit par s’étioler (en partie) au fur et à mesure qu’avance le récit. Comme si Monia Chokri tournait en rond, ne sachant plus bien comment conclure son film (sans doute un peu trop long).

La mise en scène est assez sophistiquée, et de très jolies scènes parsèment ce troisième essai de Monia Chokri, lui donnant un aspect romantique (celle du premier baiser dans la voiture avec, pour seul éclairage, la lumière du plafonnier) et parfois même mélancolique (la séparation dans une station-service, et le jeu de regard à travers le rétroviseur). En cela, il est assurément son meilleur, le plus abouti. Mais malheureusement, ce charme indéniable finit par s’étioler (en partie) au fur et à mesure qu’avance le récit. Comme si Monia Chokri tournait en rond, ne sachant plus bien comment conclure son film (sans doute un peu trop long). L’énergie si communicative retombe un peu, laissant le spectateur plus perplexe qu’au début. Malgré tout, en dépit de cette réserve (de taille, il est vrai), Simple comme Sylvain demeure tout à fait estimable et recommandable.

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RÉALISATEUR : Monia Chokri
NATIONALITÉ : Québéc
GENRE : Comédie, Romance
AVEC : Magalie Lépine Blondeau, Pierre-Yves Cardinal, Francis-William 
DURÉE : 1h50
DISTRIBUTEUR : Memento Distribution
SORTIE LE 8 novembre 2023