Shōgun : le Japon féodal dans toute sa splendeur

La fin des années 70 voit l’émergence des mini-séries télévisées, avec des programmes novateurs captivant les audiences. L’une d’entre elles a su subjuguer son public pendant cinq nuits consécutives en septembre 1980 :  Shōgun. Adaptation du roman à succès de James Clavell, elle reçut des critiques élogieuses. Aujourd’hui encore, elle reste une production révolutionnaire et influente. Plus de quarante ans après, FX propose sa vision de cette histoire. Mini-série de 10 épisodes, l’œuvre est visuellement impressionnante et épique. Elle explore les traditions profondément enracinées et souvent brutales du Japon, sur fond de manœuvres politiques et de chocs des cultures.

Le premier épisode s’ouvre en 1600 sur un navire anglais usé, émergeant de la brume et arrivant près des côtes japonaises avec à son bord une poignée d’hommes encore vivants. Le pilote, John Blackthorne (Cosmo Jarvis), est aussitôt capturé. Malgré des débuts difficiles, il prouve rapidement sa résilience et ses capacités, gagnant le respect de l’estimé, mais accablé, seigneur Yoshii Toranaga (Hirokiyuki Sanada) et se fera nommer « Anjin », qui se traduit par « pilote ».

Suite à la mort du bien-aimé Taikō, le Conseil des Régents fait face à de nombreux changements. L’ambitieux Ishido Kazunari, consumé par sa soif de pouvoir, conspire avec d’autres membres pour destituer et éliminer Toranaga. Blackthorne, initialement préoccupé à quitter ce pays avec ses hommes, se retrouvera bientôt embourbé dans des conflits plus vastes. Pour accompagner l’Anjin, Toranaga recrute Toda Mariko (Anna Sawai), une noble convertie au christianisme ayant un passé sombre et tragique, qui servira à Blackthorne de traductrice.

Avec une distribution talentueuse et une équipe de réalisateurs compétents, les co-créateurs Rachel Kondo et Justin Marks ont conçu une expérience cinématographique immersive. À voir si possible sur grand écran pour offrir à cette série la grandeur qu’elle mérite.

La série raconte un sujet vaste et utilise donc une narration complexe impliquant un casting croissant et des relations interconnectées. Les personnages révèlent parfois leurs lignées, et leurs histoires façonnent leurs identités actuelles. Au fur et à mesure que la série progresse, Toranaga et Mariko partagent une importance égale avec l’Anjin en tant que protagonistes. Les tenants de l’histoire et les relations entre les personnages changent constamment à cause des trahisons, de l’incompétence et de la fierté de tous. Le véritable suspense réside donc dans le thème de la loyauté et la différence de sa signification entre le Japon et l’Europe. Au Japon, elle est au-dessus de tout. À tel point qu’ils peuvent aller jusqu’à se suicider par « seppuku » pour maintenir leur honneur et leur fidélité. Des femmes, dont la vie a été épargnée malgré la condamnation à mort de leurs familles, se voient refuser la mort dans l’unique but de satisfaire la demande de leur maître. Blackthorne, tout en admirant leur courage, considère leur sacrifice par cet acte comme inutile.

Beaucoup de situations seront là pour apprendre à cet étranger que ce n’est pas toujours le cas. De nombreux personnages meurent au service de ce message. La signification derrière chacune est d’autant plus renforcée par les excellentes performances du casting. C’est notamment le cas avec les personnages de Kashigi Yabushige et Toda Mariko. Les deux rôles vivent dans une dualité entre le devoir et le désir. Yabushige veut la gloire et la fortune, mais il est prêt à tomber aux côtés de Toranaga pour ne pas ternir son nom dans cette quête (à moins qu’il puisse le faire sans risque). Mariko veut échapper à une vie pénible qu’elle croit dépouillée de sens, mais elle acceptera d’aider à chaque fois son maitre Toranaga.

L’ambiance et la réalisation sont imprégnées de la signification historique et culturelle de la nation. En utilisant Blackthorne comme spectateur étranger, le scénario peut nous éduquer à travers lui sur la beauté de cette terre et de ses coutumes. Finalement, il n’est pas question pour lui de sauver le Japon ou de se débarrasser des Espagnols. Shōgun raconte l’histoire du Japon se sauvant lui-même de la corruption que ces forces externes ont amenée sur ses côtes.

Au milieu des troubles politiques et de la violence brutale, la connexion entre l’Anjin et Mariko se renforce. La série ne se contente pas de représenter une violence atroce, mais inclut également des rencontres passionnées entre ses personnages attrayants, créant un équilibre captivant entre effusion de sang et intimité.

La réalisation est impeccable, l’image est visuellement superbe, et les costumes se révèlent à chaque fois un spectacle à admirer. « Shōgun » capture parfaitement la beauté du Japon tout en représentant le terrain impitoyable et accidenté du pays, y compris avec la menace omniprésente des tremblements de terre, des tsunamis et des hivers rigoureux. Les performances sont sans cesse solides, avec Anna Sawai et Hiroyuki Sanada offrant un travail particulièrement intense et percutant.

« Shōgun » se distingue comme une réinvention notable du livre de James Clavell. Elle est déjà récompensée comme l’une des mini-séries les plus remarquables de 2024 avec pas moins de 18 Emmys (dont meilleure série dramatique, meilleurs acteur et actrice pour Hirokiyuki Sanada et Anna Sawai) et une suite est déjà à l’œuvre. Avec une distribution talentueuse et une équipe de réalisateurs compétents, les co-créateurs Rachel Kondo et Justin Marks ont conçu une expérience cinématographique immersive. À voir si possible sur grand écran pour offrir à cette série la grandeur qu’elle mérite.

4.5

CRÉATEUR : Rachel Kondo et Justin Marks
NATIONALITÉ :  américaine
GENRE : drame historique
AVEC :  Cosmo Jarvis, Hiroyuki Sanada, Anna Sawai, Tadanobu Asano, Fumi Nikaidō, Takehiro Hira
DURÉE : 10x 53-70mn
DIFFUSEUR : Disney +
SORTIE : 27 février 2024