Sarafina : le chant d’un peuple

Projeté lors du Festival de Cannes 1992, Sarafina, film musical engagé, sorti au cinéma le 11 mai de la même année, résonnait à l’époque comme une œuvre militante en faveur de la libération de Nelson Mandela, contre l’Apartheid mis en place en Afrique du Sud, cette ségrégation raciale dirigée par les Boers, abolie en juin 1991. Dans cet immense pamphlet chantant la révolte d’un peuple soumis, se trouvent plusieurs thèmes, celui de la liberté, l’espérance de la fin d’un régime strict, la croyance dans une issue politique favorable. Jeune fille de couleur, Sarafina exprime les volontés de toute une population voulant s’affranchir du pouvoir des colonisateurs, retrouver une indépendance.

Dans l’Afrique du Sud fragilisée par l’Apartheid, la jeunesse se révolte, avec a sa tête Sarafina, la voix de tout un peuple.

Une voix s’élève, forte, dénonciatrice de la mainmise des Boers sur tout un pays, celle de Sarafina, une porte-parole qui, par les chants et les actes, se soulève contre les injustices dominantes, demandant la remise en liberté d’un Nelson Mandela détenu dans les geôles sud-africaines depuis des décennies. Darrell Roodt réalise un film dont les danses et les musiques s’accompagnent d’une gravité dramatique dense, avec cet Apartheid ayant perduré pendant un peu plus de quarante ans. Un souffle de contestation règne.

Toute l’ingéniosité de la mise en scène repose sur la prestation enjouée de l’actrice Leleti Kumalo, quasiment de tous les plans, excellant dans les séquences dansées, mais également dans les moments plus négatifs, puisque la jeune Sarafina devient spectatrice d’un asservissement puis la meneuse d’un mouvement contestataire agissant contre ces Boers, des Hollandais dirigeant cette politique séparationisme liberticide. Ces rêves de fille se transforment en un combat d’une jeune femme voulant se battre pour obtenir des droits fondamentaux, une lutte dictée par son regard de témoin abasourdi par les exactions des forces hollandaises. L’action du film se situe peu avant la montée au pouvoir de Nelson Mandela, dont l’influence changera la face d’un pays longtemps meurtri par une néfaste occupation colonisatrice, ce Madiba (nom du clan tribal) dont il est de multiples fois fait référence ici, tel un symbole, l’espoir d’un jour nouveau planant sur le sombre présent. Influencée par les positions assumées de sa professeure (Whoopi Goldberg), Sarafina va ainsi développer une rancœur féroce contre le pouvoir des Blancs, devenant alors une héroïne de la cause noire en Afrique du Sud. Grâce à son militantisme et un engagement sans limites contre les autorités néerlandaises, la frêle jeune femme se retrouve au cœur d’un conflit nécessaire, et toute la structure de Sarafina tient sur les irrépressibles envies de changements sociaux, la lycéenne portant sur ses épaules tout le poids d’un peuple méprisé et affaibli. Darrell Roodt filme une lutte meurtrière, en adoptant la vision d’une personne tenant fermement à ses idéaux, ses convictions politiques, l’idée que l’Afrique du Sud connaisse un jour la fin de l’Apartheid, un événement majeur gravé dans l’histoire, un aboutissement mérité pour tant de personnes. 

Saluons l’ambition et le courage de ce film, sorti dans un contexte encore fragile, qui, comme de nombreuses autres productions, a révélé aux yeux du monde entier ce qui se passait réellement dans ce pays.

Le cinéma a souvent traité ce thème complexe, avec Une Saison blanche et sèche, Bopha!, Invictus, Cry Freedom, un sujet toujours expliqué en détail, sous différents angles, avec ces œuvres dures proposant des pistes de réflexion. Sarafina se situe dans la veine de ces longs-métrages, moins maîtrisé cinématographiquement, mais contenant encore une fois un cri de liberté, résonnant comme un souhait d’insoumission et de révolution, un son audible venant cette fois-ci de la bouche d’une femme, un chant perceptible. Darrell Roodt et les producteurs tenaient à ce qu’une actrice tienne le rôle principal, se démarquant notablement des films cités précédemment, pour que le courage et la détermination proviennent d’une représentante féminine. Cela fonctionne, malgré quelques défauts et un manque de moyens, mais le contenu reste assez bon pour provoquer une onde de choc, ce qui fut le cas lors de la sortie en 1992, avec un succès important et une pièce de théâtre du même titre. Cannes Classics a choisi de montrer ce film lors de cette édition 2023 du Festival de Cannes, dans une section permettant de découvrir les trésors cachés des précédentes sélections, d’apporter une nouvelle médiatisation sur des œuvres déjà présentées, en l’occurrence lors d’une séance spéciale pour Sarafina, dont le message percutant trouve encore un écho dans le monde d’aujourd’hui. Une ovation après la projection témoigne de la puissance de l’ensemble, avec une problématique complexe encore ancrée dans les esprits. Le film, avec ses qualités et ses défauts, est une leçon d’histoire, connue de tous. Quoi que l’on en dise, cette période reste dans les mémoires, et la présidence de Nelson Mandela fut le déclencheur d’une autre politique sud-africaine.

 

3.5

RÉALISATEUR : Darrell Roodt
NATIONALITÉ :  Afrique du Sud/ Etats-Unis/ Grande-Bretagne/ France
GENRE : Drame musical
AVEC : Leleti Kumalo, Whoopi Goldberg
DURÉE : 1h30
DISTRIBUTEUR : 
SORTIE LE