Santosh : une femme policière en Inde

La cinéaste Sandhya Suri présente Santosh, dans la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2024. Dans ce film social où une veuve intègre le milieu de la police totalement sexiste se cache une œuvre quasiment d’anticipation où les femmes doivent prendre le pouvoir sur les hommes. À l’heure où l’Inde est encore l’un des pays les plus durs en matière de droits féminins, cette histoire d’intégration dans le système policier mérite le coup d’œil.

Santosh a 28 ans lorsque son mari policier meurt tragiquement. Elle hérite de son poste et devient à son tour agent de police.

Sandhya Suri pose un regard féminin sur la situation actuelle en Inde, en rappelant que les femmes peuvent s’émanciper de l’emprise masculine.

Santosh endosse l’uniforme de policière, taillé sur mesure. Voir une femme enfiler l’uniforme, cela n’est pas très bien vu de ses collègues masculins, qui ne se gênent pas pour faire des remarques sexistes et rappeler la basse condition des femmes indiennes. La cinéaste ne veut pas être élogieuse envers les hommes. Ce qu’elle met en images est la capacité de travailler dans une ambiance machiste, sachant que l’Inde n’est pas réputée pour son respect des femmes. Dans un milieu exclusivement masculin, Santosh voit les dérives policières et le mépris des castes inférieures. Le récit est intéressant dans son analyse des rapports entre sexes, du déséquilibre qui existe encore entre eux deux, et surtout de la difficulté d’exercer un tel métier. Sandhya Suri caricature presque le symbole du policier indien, en l’affublant toutefois d’une représentation qui décrit bien la perversion et la domination masculine. Aussi, elle immerge son personnage dans ce système pour justifier que les rôles peuvent être inversés, que les femmes peuvent avoir des responsabilités. D’ailleurs, Santosh et l’inspectrice Sharma détiennent toutes deux des personnalités assez fortes, et sont des contrepoids intéressants face à leur hiérarchie.

Santosh est un peu long, mais l’intrigue du meurtre captive et révèle les écarts sociaux entre les castes.

Quand une jeune femme de rang inférieur meurt, l’indifférence est totale, l’enquête prise d’abord à la légère puis dirigée d’une poigne de fer par des policières qui ne veulent pas que le crime reste impuni. Le déroulement de la procédure donne du suspense, et la finalité de cette intrigue est bien de critiquer le sexe masculin, ses agissements, et en général l’état de la police indienne qui n’est pas à la hauteur et manque cruellement de moyens. Santosh brille aussi grâce à ses deux interprètes, Shahana Goswani et Sunita Rajwar, dans des compositions particulièrement complexes. Il paraît évident que Sandhya Suri a voulu faire un film de femmes. Sa mise en scène est souvent lente, sans véritable nervosité, avec une forme relativement classique. Néanmoins, le contenu est passionnant et possède une belle originalité, alors que le récit comprend des éléments d’anticipation visant à imaginer une autre Inde avec des femmes bien positionnées dans l’échelle sociale.

3.5

RÉALISATEUR : Sandhya Suri
NATIONALITÉ :  Inde
GENRE : Drame
AVEC : Shahana Goswami, Sunita Rajwar
DURÉE : 2h
DISTRIBUTEUR : Haut et Court
SORTIE LE 17 juillet 2024