Rodéo est le premier long métrage de Lola Quivoron, qui s’est jusque-là fait remarquer par ses courts métrages audacieux, dont Au loin Baltimore (2016), déjà situé dans le milieu des motards. Celle-ci frappe fort pour cette première, présentée en compétition de la sélection Un certain regard au festival de Cannes 2022. L’obsession de la réalisatrice pour ce milieu s’explique par son goût prononcé pour celui-ci qu’elle n’a pas quitté depuis 2016.
Julia est une fille androgyne et rebelle passionnée par la moto. Elle cultive une pratique dévorante presque animale de la moto. Elle rencontre un jour une bande de garçons qui l’acceptent dans leur cercle de passionnés de rodéo urbain. Cette pratique consiste à rouler à pleine vitesse tout en effectuant des figures acrobatiques, souvent sans casque.
Rodéo montre à quel point la domination masculine est forte dans l’univers des bikers, et on ne peut que célébrer le choix comme personnage principal d’une femme androgyne à la croisée des genres.
C’est dans la création du personnage de Julia que se trouve la plus grande réussite du film. Véritable boule de nerfs sans attaches et sans domicile, elle se crée sa propre place dans un milieu masculin où les femmes ne sont pas sur le terrain mais au bord de la route. Laissant sa passion et son animosité s’exprimer librement, Julia n’a que faire d’être femme, d’en respecter les codes et les contraintes. Rodéo représente le récit fascinant et énergique de l’évolution de Julia.
On ne peut évoquer Rodéo sans mentionner sa forme stylistique très spécifique. Lola Quivoron a fait le choix du cinémascope en format 2:39 donnant une ambiance de western vintage à l’ensemble du film, ce qui s’avère plutôt approprié, le biker libre de rouler à toute vitesse étant alors comme le cowboy chevauchant sa monture. Outre nous immerger encore plus dans cet univers, ce choix donne une véritable identité à la moto, en lui donnant quasiment une sensibilité. Le rapport d’un biker à sa moto s’avère être celui d’un maître à son animal, le chérissant et l’aimant plus que tout être humain. Cette liberté incarnée dans ce film par la moto se révèle être source d’émancipation pour la femme : Julia oublie ainsi que sa place devrait être derrière l’homme qui conduit, de même qu’Ophélie se sent libérée de la tutelle de son mari. Rodéo montre à quel point la domination masculine est forte dans cet univers, et on ne peut que célébrer le choix comme personnage principal d’une femme androgyne à la croisée des genres.
Réussite pour un premier long métrage, Rodéo permet à sa réalisatrice de faire ses preuves tant dans la narration que dans l’audace de certains choix. En conclusion, de belles pistes à entretenir et de jolies figures à venir.
RÉALISATEUR : Lola Quivoron NATIONALITÉ : française AVEC : Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi GENRE : Drame DURÉE : 1h45 DISTRIBUTEUR : Les Films du Losange SORTIE LE prochainement