Quinzaine des Cinéastes 2023 : analyse et décryptage de la sélection. Renouveau, continuité et modernité

On attendait avec intérêt et curiosité la sélection 2023 de la Quinzaine des Cinéastes. Précision sémantique, le nom de la Quinzaine des Réalisateurs a désormais changé pour être plus inclusif, le terme « réalisateur » étant un peu trop réducteur à un exercice exclusif de la profession par la gente masculine. Les dernières éditions depuis une dizaine d’années environ, à partir de 2012, ont toutes été sans exceptions très réussies, stimulantes, courageuses, innovantes, sous l’égide d’Edouard Waintrop (2012-2018) et Paolo Moretti (2019-2022). Julien Rejl, le nouveau Délégué général de la Quinzaine, issu de Capricci Films et de SoFilm, a donc un bel héritage à assumer.

Lors de la conférence de presse de la Quinzaine des Cinéastes, il l’a fait de manière assez élégante, en rappelant les principes fondateurs de la Quinzaine : indépendance, singularité, diversité. En ayant visionné plus de 4000 films, le comité de sélection s’astreint à respecter une nouvelle règle :  » tout film est éligible à condition qu’il respecte la chronologie des médias en France, à savoir une première fenêtre d’exposition sur grand écran« , afin de respecter la diffusion et la prééminence du cinéma en salle. On notera que la Quinzaine ne cherche pas volontairement à marcher sur les traces de la Sélection Officielle en déclarant d’emblée « ne pas accorder la priorité à des films – pourtant bons – qui étaient de sérieux candidats à la compétition officielle« , car sa « première mission demeure la découverte de nouveaux cinéastes« . Par conséquent, pas de Jeff Nichols, Bruno Dumont, Quentin Dupieux, etc. dans cette sélection. Il y aura néanmoins certains cinéastes déjà reconnus qui accompagneront des oeuvres singulières : Le Procès Goldman de Cédric Kahn en film d’ouverture, avec Ariel Worthalter et Arthur Harari, Conann de Bertrand Mandico avec Elina Lewinsohn et Christa Théret, Le Livre des solutions de Michel Gondry avec Pierre Niney et Blanche Gardin, et en séance de clôture, In our day de Hong Sang-soo (on ne sait pas encore si Kim Min-hee fait partie de la distribution).

Julien Rejl maintient une certaine continuité en continuant la tradition du Carrosse d’Or qui récompensera cette année le cinéaste malien Souleymane Cissé après Kelly Reichardt en 2022. La Séance spéciale est également un signe de cette continuité : la Quinzaine célèbrera en présence de Leonor Silveira, l’actrice principale, les 30 ans du Val Abraham de Manoel de Oliveira, l’un des plus beaux films du monde, et accessoirement l’un des plus sublimes films présentés à la Quinzaine. En ce qui concerne la compétition, « le registre du conte et du merveilleux revient souvent comme moteur narratif. Le malaise entre les sexes est un des grands thèmes de la production contemporaine : masculinités en crise, émancipations féminines, déclin du patriarcat… On note également un retour du religieux dans les thèmes abordés. » On remarquera en effet cette année une accentuation assez nette du féminisme et de la lutte contre le patriarcat dans une bonne partie de la sélection (Agra de Kanu Behl, In Flames de Zarrar Khan, Blackbird, Blackbird, Blackberry de Elene Navariani, The Feeling that the time for doing something has passed de Joanna Arnow, une comédie BDSM, où la réalisatrice aurait occupé tous les postes créatifs), Néanmoins, comme la Sélection Officielle, la Quinzaine a réduit sensiblement son nombre de films, 19 en compétition, afin de leur offrir une plus grande exposition. On se souvient que l’année dernière la Quinzaine a proposé des moments sortant des sentiers battus, allant de De humani corporis fabrica de Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor à Men d’Alex Garland. Cette prochaine Quinzaine promet du fantastique, de l’aventure, de la comédie, du polar, du road-movie, du coming-of-age, du cinéma queer….On a hâte d’y être!

VAL ABRAÃO (Val Abraham / Abraham’s Valley) 

de Manoel de Oliveira

Séance spéciale

LE PROCÈS GOLDMAN (The Goldman Case) 

de Cédric Kahn 

Film d’ouverture

AGRA 

de Kanu Behl

L’AUTRE LAURENS (The Other Laurens) 

de Claude Schmitz

BÊN TRONG VỎ KÉN VÀNG (Inside the Yellow Cocoon Shell) 

de Thien An Pham 

Premier long métrage

BLACKBIRD BLACKBIRD BLACKBERRY (Merle merle mûre)

de Elene Naveriani

BLAZH (Grace / La Grâce) 

de Ilya Povolotsky 

Premier long métrage

CONANN (She Is Conann) 

de Bertrand Mandico

CREATURA 

de Elena Martín Gimeno

DÉSERTS 

de Faouzi Bensaïdi

IN FLAMES 

de Zarrar Kahn 

Premier long métrage

LÉGUA 

de Filipa Reis & João Miller Guerra

LE LIVRE DES SOLUTIONS (The Book of Solutions) 

de Michel Gondry

MAMBAR PIERRETTE 

de Rosine Mbakam

RIDDLE OF FIRE (Conte de feu) 

de Weston Razooli 

Premier long métrage

THE FEELING THAT THE TIME FOR DOING SOMETHING HAS PASSED 

de Joanna Arnow 

Premier long métrage

THE SWEET EAST 

de Sean Price Williams

UN PRINCE (A Prince) 

de Pierre Creton

XIAO BAI CHUAN (A Song Sung Blue) 

de Zihan Geng 

Premier long métrage

WOO-RI-UI-HA-RU (In Our Day) 

de Hong Sang-soo 

Film de clôture