2025 semble l’année du grand retour de Darren Aronofsky. Début mai, il s’est rappelé à notre bon souvenir avec l’édition collector de son film culte, Requiem for a dream, sorti en 2000 et demeuré toujours aussi vibrant et obsédant. Après The Whale qui a rapporté un Oscar à Brendan Fraser, récompensant une performance hallucinante d’acteur pour un personnage de personne obèse ne sortant plus de chez elle, oeuvre de 2022, complétement en phase avec le confinement, on était curieux de voir où Darren Aronofsky allait bien pouvoir chercher son inspiration. Il choisit de retrouver les quartiers de New York qui ont abrité son enfance et son adolescence et opère donc un retour aux sources, tout en se réinventant, en sortant de sa zone de confort. Au bout de neuf films, Pris au piège – Caught stealing est ainsi sa première comédie adapté d’un roman loufoque de Charlie Huston. Pourtant, on n’échappe pas à son destin d’auteur, tout comme Hank, le personnage principal du film, ne peut réellement fuir son passé : Aronofsky imprime sa marque de metteur en scène, un peu partout, même si ce film sort largement de son registre habituel.
Hank Thompson a été un joueur de baseball prodige au lycée, mais désormais il ne peut plus jouer. À part ça, tout va bien. Il sort avec une fille géniale, il est barman la nuit dans un bar miteux à New York, et son équipe préférée, donnée perdante, est en train de réaliser une improbable remontée vers le titre. Quand Russ, son voisin punk lui demande de s’occuper de son chat pendant quelques jours, Hank ignore qu’il va se retrouver pris au milieu d’une bande hétéroclite de redoutables gangsters. Les voilà tous après Hank, et lui ne sait même pas pourquoi. En tentant d’échapper à leurs griffes, Hank doit mobiliser toute son énergie et rester en vie assez longtemps pour comprendre.
Si on voulait résumer Pris au piège en une phrase, ce serait sans doute la rencontre incongrue et délirante entre After hours et Une journée en enfer,
Après The Whale, Aronofsky semble arrivé au bout d’un cycle, en mettant en scène un personnage isolé de tout et de tous et en se lançant le défi de centrer son film sur quelqu’un de fondamentalement immobile. La logique de son parcours implique donc qu’il retrouve la vie et le mouvement, dans les quartiers de New York qui l’ont vu naître et grandir : Low East of Manhattan, Chinatown, Brighton Beach. Pris au piège est ainsi une lettre d’amour au New York de 1998, celui qui est antérieur à sa naissance de cinéaste – Pi ne sortira qu’en 1999 – , le New York vitaliste et innocent d’avant le 11-septembre, une ville à la fois glauque, poisseuse et enthousiasmante, que Aronofsky redécouvre plus de vingt-cinq ans plus tard, avec la même équipe qui avait accompagné ses premiers pas de cinéaste, en particulier le fidèle Matthew Libatique, avec qui il a tourné presque tous ses films, hormis The Wrestler et The Whale.
Dès la fin du siècle dernier, Aronofksy souhaitait adapter ce roman de Charlie Huston. Il s’agit donc d’un projet de longue date qui s’est relancé grâce à l’obtention récente des droits par l’écrivain lui-même qui signe à cette occasion l’adaptation de son propre roman. On remarquera que Aronofsky voulait sans doute s’éloigner de ses propres sujets et obsessions, Noé et Mother! étant pour l’instant ses derniers films scénarisés par lui-même. On ne peut donc que le féliciter de sortir de sa zone de confort et de son univers très cérébral pour se confronter à la comédie délirante et au film d’action très physique.
Si on voulait résumer Pris au piège en une phrase, ce serait sans doute la rencontre incongrue et délirante entre After hours et Une journée en enfer, la principale différence étant que le film couvre la durée de cinq journées. After hours par la présence, clin d’oeil assumé, de Griffin Dunne, le protagoniste du film de Scorsese ; Une journée en enfer car Aronfosky revisite sa ville par le prisme du film d’action, le valeureux Austin Butler étant tabassé tout au long du film. Aronfosky parvient à imprimer sa marque, y compris dans ce film a priori très éloigné de ses préoccupations plus intellectuelles, en filmant des situations surréalistes, où un pauvre voisin accepte la garde d’un chat, ce qui va lui occasionner des péripéties sans nombre qu’il n’avait pas anticipées. A l’arrivée, Aronofsky se trouve un peu partout : dans le filmage des quartiers de New York, que l’on ressent chers à son coeur ; dans les personnages du tandem de tueurs juifs orthodoxes (excellents Vincent d’Onofrio et Liev Schreiber), écho des personnages de juifs hassidiques de Pi ; dans son style de mise en scène toujours aussi expressif, survitaminé et virtuose ; dans le destin du personnage principal qui devra affronter et se servir de son trauma principal pour résoudre ses problèmes présents.
Alors certes, Pris au piège n’est certainement pas le meilleur Aronofsky. On peut largement préférer ce metteur en scène dans le registre du drame psychologique ou de l’épopée mystique (Requiem for a dream, The Fountain, Black swan, voire même le décrié Mother! ). Par moments, les accès d’humour ou de violence peuvent paraître légèrement forcés. Néanmoins, mené à un train d’enfer, ce thriller déjanté apporte sa dose respectable de divertissement, en combinant action et humour. Aronofsky s’amuse comme le montre le générique de fin, à l’envers et tordu dans tous les sens, agrémenté d’un caméo surprise (la fameuse mère de Hank à qui il téléphone tout le temps) que nous ne dévoilerons pas. L’occasion pour Aronofsky, tout comme son personnage, de se réinventer et de prendre un nouveau départ.
RÉALISATEUR : Darren Aronofsky NATIONALITÉ : américaine GENRE : thriller, comédie AVEC : Austin Butler, Regina King, Zoë Kravitz, Matt Smith, Vincent d'Onofrio, Liev Schreiber, Bad Bunny DURÉE : 1h47 DISTRIBUTEUR : Sony Pictures Releasing France SORTIE LE 27 août 2025