Pour ton mariage : une auto-fiction documentaire aux accents de Woody Allen

Après une longue carrière dans le cinéma, notamment aux côtés d’Agnès Varda, Oury Milshtein est passé à la réalisation. Du haut de ses soixante-six ans, il semble avoir attendu l’âge de la retraite pour livrer un premier documentaire profondément personnel, drôle, sensible, décousu et un poil impudique. Cette introspection pleine d’autodérision et de mélancolie est sortie en salle le 20 décembre 2023.

Son psy est mort mais il retourne régulièrement se recueillir sur sa tombe, muni d’un bouquet de fleurs chapardé sur une sépulture voisine. Tel est le point de départ de cet autoportrait qu’esquisse Oury Milshtein, à travers un enchevêtrement d’archives et de conversations avec les morts et les vivants. À l’origine, Pour ton mariage est le titre d’une chanson qu’Enrico Macias chante avec sa fille Jocya, dont Oury a partagé la vie dans les années 90. Du film de ses noces gâchées par ce beau-père solaire et envahissant, le réalisateur lance une discussion collective entre ses deux ex-femmes et ses enfants, tous réunis pour l’occasion. De fil en aiguille, il tisse ainsi le récit de ses plusieurs vies entremêlées, marquées par la douleur. 

Le réalisateur assume cette mise à poil, cette transgression des codes de la bienséance, comme ces bouquets volés aux morts sans l’ombre d’un remords

En scrutant les réactions de ses proches pendant et après le visionnage du film de son premier mariage, Milshtein tient un fil rouge original. Outre la saveur de ces précieuses archives, émerge toute une série de réflexions ponctuées de salutaires traits d’esprit : sur la rencontre des mondes ashkénaze et séfarade, sur la place d’un enfant mort, sur le sentiment d’exclusion d’une goy dans une famille juive, sur les relations entre l’ancienne amante et l’ancienne épouse, devenues ex-femmes toutes les deux… Malheureusement, le documentaire devient décousu quand il s’éloigne de ce projet initial et s’égare dans les méandres de la mémoire d’Oury, qu’il s’agisse de l’oeuvre de son père ou de sa jeunesse dans un kibboutz. Le film se fait alors compilation et le mille-feuilles de la vie de son auteur n’en est que moins digeste.

Si l’ironie et la délicieuse – fausse – désinvolture du personnage principal balaient ces quelques écarts, certains passages posent question quant à l’impudeur de la démarche. On pense notamment à cette scène où le père rassure sa fille en pleurs : « mais non, ça ne finira pas dans une salle de cinéma… », suivie d’un plan sur le visage nimbé de larmes de l’adolescente. Mais le réalisateur assume cette mise à poil, cette transgression des codes de la bienséance, comme ces bouquets volés aux morts sans l’ombre d’un remords. 

Et on se laisse emporter par le charme inquiet de cette psychanalyse où les images viennent combler les brèches que la parole ne peut plus colmater. 

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RÉALISATEUR : Oury Milshtein
NATIONALITÉ :  française
GENRE : documentaire
AVEC : Enrico Macias, Oury Milshtein
DURÉE : 79 minutes
DISTRIBUTEUR : Rezo Films
SORTIE LE 20 décembre 2023