Teddy Lussi-Modeste possède une trajectoire originale. Issu de la communauté des gitans, il a réussi le concours extrêmement exigeant de la Fémis. Depuis il mène une carrière de réalisateur, scénariste et en parallèle de professeur de lettres. Son premier film Jimmy Rivière a été assez remarqué, tout en n’atteignant pas le grand public. Récemment il a surtout participé à des scénarios de film : Une fille facile de Rebecca Zlotowski, Jeanne Du Barry de Maïwenn et son nouveau film, Pas de vagues, concocté avec l’aide d’une réalisatrice-scénariste révélée ces dernières années, Audrey Diwan, Autant dire qu’on attendait avec intérêt ce film, inspiré par son expérience de professeur, en butte à des accusations de harcèlement injustifiées.
Julien est un jeune professeur de français qui est accusé à tort de harcèlement par une élève adolescente, Leslie, et tente de prouver son innocence alors qu’il fait face à des pressions multiples de la part du frère aîné de la jeune fille et de ses camarades de classe. Cet incident tourne à l’incendie et embrase le collège, alors que Julien cherche du soutien parmi ses collègues et sa hiérarchie.
En dépit d’une fin chaotique et dépourvue de conclusion, Pas de vagues a le mérite de faire réfléchir sur le problème scolaire qui ne semble pas près d’être résolu.
Ce film s’inscrit dans le mouvement de libération de la parole des professeurs face au sentiment d’abandon de leur hiérarchie. En effet, en 2018, suite à un incident dans un établissement scolaire, le hastag #Pasdevague a indiqué que les violences scolaires étaient systématiquement minimisées, dans un soi-disant but d’apaisement. Teddy Lussi-Modeste s’inspire de son expérience de professeur dans un collège d’Aubervilliers, des accusations à tort de harcèlement ayant mis le feu aux poudres dans son établissement.
Le sujet est sans conteste passionnant. Pas de vagues semble reprendre en version 2.0 le sujet des Risques du métier d’André Cayatte ou de La Chasse de Thomas Vinterberg. En ouvrant directement sur le coeur de son film, une séquence d’analyse d’un poème de Ronsard qui dérape suite à une remarque de Julien, le professeur de français, sur une élève, Leslie, Teddy Lussi-Modeste commence quasiment par le moment le plus fort de son film. Exemplaire direction d’acteurs, rythme saccadé des échanges de répliques, montée en tension de la séquence nous font vivre cette explosion de violence en classe,
Malheureusement, la suite ne s’avère pas aussi brillante. Car on ressent fortement l’impression que Teddy Lussi-Modeste et Audrey Diwan se sont un peu éparpillé entre tous les sujets potentiels et auraient gagné à se focaliser sérieusement sur deux ou trois. En effet, il y avait largement de quoi faire entre la fausse collaboration harmonieuse et la véritable opposition Principal/professeur, la romance platonique entre collègues (excellente Agnès Hurstel), les menaces de mort reçues par Julien, la déstabilisation de son couple gay ou les rapports ambigus entre Julien et son élève Leslie. L’appartenance à la communauté gay de Julien apparaît comme une manière de désamorcer trop vite les possibles accusations de harcèlement, tout comme le fait de faire endosser le rôle à un François Civil trop évidemment sympathique. De manière générale, hormis une belle séquence d’explications entre Julien et Leslie, le contenu du film apparaît parfois trop manichéen (cf. les personnages de la prof réac ou du frère de Leslie, trop macho, rustre et violent d’emblée).
Cela n’empêche pas Pas de vagues de forcer l’adhésion à de nombreux moments, en particulier grâce aux comédiens : François Civil qui y trouve son premier véritable rôle dramatique, Agnès Hurstel déjà citée, la prometteuse Mallory Wanecque, révélée par Les Pires, Marianne Ehouman dans le rôle de Roxana et surtout Toscane Duquesne, mystérieuse dans le rôle énigmatique de Leslie. En dépit d’une fin chaotique et dépourvue de conclusion, Pas de vagues a le mérite de faire réfléchir sur le problème scolaire qui ne semble pas près d’être résolu.
RÉALISATEUR : Teddy Lussi-Modeste NATIONALITÉ : française GENRE : drame AVEC : François Civil, Agnès Hurstel, Toscane Duquesne, Mallory Wanecque, Marianne Ehouman DURÉE : 1h32 DISTRIBUTEUR : Ad Vitam SORTIE LE 27 mars 2024