La cité Gagarine située en banlieue parisienne à Ivry-sur-Seine a été détruite en 2020. On a grandi ensemble fait revivre cette cité à travers le regard d’Adnane Tragha et par les paroles de ses anciens habitants. Ces derniers retournent dans la cité désormais désaffectée et se remémorent leur passé ici. Le film peint le tableau d’une cité, symbole de toutes les autres. Il revient entre expériences douloureuses, et mélange d’entraide et de solidarité sur le passé commun de ces individus liés à tout jamais. Ce film est à la fois réalité et fiction, documentaire multi-face à l’image de la cité.
La cité Gagarine est détruite. Un chapitre se ferme. La grande tour derrière laquelle passe avec une régularité pendulaire le RER ne fait plus partie de l’avenir. Adnane Tragha a grandi dans un immeuble privé si proche de la cité qu’ils se superposent presque. Ce film est un témoignage du vécu de ces lieux. D’immenses bâtisses de briques rouges au sein desquelles de la vie a passé, de l’eau a coulé.
Si la mise en scène est assez théâtrale, ce qui pourrait lui valoir quelques critiques, c’est une volonté assumée d’Adnane Tragha de créer une véritable œuvre cinématographique et non une pure étude sociologique.
Ce n’est pas la première fois que le documentariste réalise une œuvre sur cette cité en désuétude ; avant ce documentaire, il a rédigé un ouvrage. On ne peut que saluer ce besoin et cette envie d’inscrire la mémoire. La peur de l’oubli de ces populations qui ne marquent pas les grandes lignes de l’histoire nationale, et ne font pas partie des documentaires historiques ni des ouvrages sur les grands personnages qui ont marqué la France, c’est ce qui anime le documentariste lorsqu’il entreprend de raconter l’histoire de la cité. Cette cité qui a accueilli des vies, qui a connu leur existence et dont des traces de cette dernière subsistent. Désormais, ce lieu continue d’exister car on y joue de la musique, on y expose, on vient se confier à la caméra. Les souvenirs restent, le pari est réussi.
Par rapport au film Gagarine de Fanny Liétard et Jérémy Trouilh, il s’agit quasiment d’un prequel narrant le passé de la cité. Adnane Tragha, à travers ce documentaire, permet d’apporter une réalité sociale représentant ce qu’a représenté l’accès à cette cité pour les nouveaux habitants. Ils ont d’un coup eu accès à un appartement, une douche, des sanitaires, et même, symbole pour eux de l’extrême modernité, l’accès à un ascenseur. L’accès à ces immeubles ont été pour ces populations presque un choc de culture, et le documentaire rend parfaitement compte de cela. L’accès à ces logements signifiait aussi l’entrée dans le monde du travail et la perception d’un revenu par ces familles. Ainsi, bien plus que l’accès à un logement, cette cité représentait pour ces nouveaux habitants l’ouverture d’une nouvelle trajectoire de vie.
Si les souvenirs ne sont au départ que positifs car c’est tout cet idéal de vie qui s’ouvre devant les anciens résidants, les témoins rapportent vite la violence, la drogue et toute une série de difficultés auxquelles ils ont été confrontés. La cité n’est pas celle qui était rêvée, le documentaire montre la réalité de la descente sociale après le semblant d’ascension, le chômage, la misère. On bascule alors dans un souvenir proche de la vie racontée par Zola. La dégradation sociale imprègne le quartier et le documentariste étudie de près les rapports hommes-femmes, adultes-enfants ainsi que les rapports de classe. Une certaine lutte pour sortir de cette vie et accéder à un niveau culturel et intellectuel qui permettrait aux résidants d’échapper au déterminisme social, en anime certains.
Si la mise en scène est assez théâtrale, ce qui pourrait lui valoir quelques critiques, c’est une volonté assumée d’Adnane Tragha de créer une véritable œuvre cinématographique et non une pure étude sociologique. Ce film n’est pas qu’un documentaire mais bien une création artistique mêlant réalité et fiction, sociologie et conception.
RÉALISATEUR : Adnane Tragha NATIONALITÉ : Français AVEC : GENRE : Film documentaire DURÉE : 1h12 DISTRIBUTEUR : Les films qui causent SORTIE LE 21 septembre 2022