Old : Lost in Shyamalan Island

Sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés… En adaptant un roman graphique, Château de sable de Pierre Oscar Levy et Frederik Peeters, M. Night Shyamalan disposait de l’occasion rêvée d’aborder, sous la forme attractive d’un thriller, des thèmes comme la mort, la maladie, la dégénérescence. Occasion manquée tant le suspense repose sur la vacuité d’un twist téléphoné et échoue à engendrer de l’émotion autour des victimes du sortilège de vieillissement accéléré, Old est surtout l’opportunité de reposer la fameuse question qui ne cesse de hanter la réception de chaque film de M. Night Shyamalan : escroc fumeux ou immense génie? .

En vacances dans les Tropiques, une famille s’arrête pour quelques heures sur un atoll isolé où ils découvrent avec effroi que leur vieillissement y est drastiquement accéléré et que leur vie entière va se retrouver réduite à cette ultime journée.

M. Night Shyamalan confirme dans Old l’essence de son cinéma, celle d’un petit malin qui observe les moeurs de ses contemporains, de loin, sans y participer et surtout sans vouloir s’y investir.

M. Night Shyamalan a connu son heure de gloire à l’orée des années 2000 avec quatre films qui sont devenus des classiques (au moins les premiers, Sixième Sens, Incassable, et dans une certaine mesure, Signes, Le Village), avant que sa trajectoire triomphale ne se brise avec La Jeune fille de l’eau, After Earth et Le Dernier maître de l’air (mettons à part le cas particulier de Phénomènes). Il est revenu dans les bonnes grâces de la critique et du public avec des petites productions Blumhouse (The Visit, Split), jusqu’à ce que Glass, trop théorique, n’interrompe quelque peu ce retour. Old apparaissait comme le film-concept susceptible de lui faire atteindre un nouveau palier de maturité, en lui permettant d’exprimer des peurs profondes, celles du vieillissement, de la mort, de la dégénérescence, à travers cette histoire de vieillissement accéléré en une journée. Or, s’il n’a rien perdu de son élégance de mise en scène (décadrages, plans-séquences, mise au point, etc.), il peine un peu à faire ressortir tout le potentiel émotionnel de l’intrigue. En mélangeant trois familles sur la plage d’une île, il profite d’une variété de profils de tous genres et âges mais s’expose également à une caractérisation insuffisante des personnages. C’est malheureusement le cas ici car il est rare de voir autant d’excellents acteurs (Gael Garcia Bernal, Vicky Krieps, vue récemment dans Bergman Island et Serre-moi fort, actrice incontournable cette année, depuis sa prestation dans Phantom Thread) réduits à des vignettes psychologiques sans intérêt. Seule Thomasin McKenzie (Leave no trace, Jojo Rabbitt), assurément actrice d’avenir (on attend avec impatience son duo avec Anya Taylor-Joy, autre comédienne révélée par Shyamalan, dans Last Night in Soho d’Edgar Wright), parvient à tirer son épingle du jeu en apportant un peu d’émotion. Malheureusement la plupart des acteurs se contentent de faire de la figuration plus ou moins intelligente, en servant de vecteurs à un suspense mécanique (qui va donc vieillir tout à coup?) et de cobayes dociles pour des effets spéciaux assez réussis.

Le problème de Shyamalan, c’est que la plupart de ses films ressemblent à des dispositifs trop mécaniques, manquant d’incarnation avec twist obligatoire dans la dernière demi-heure. Old ne déroge pas à la règle mais ne surprend pas trop en ressemblant à un épisode de Lost (Shyamalan assume ce lien via le rôle de Ken Leung) ou de La Quatrième Dimension, en souffrant fortement de la comparaison. Sans vouloir spoiler la fin du film, le twist est tellement prévisible et attendu qu’il ruine quelque peu la qualité d’un film qui était déjà plus que brinquebalante. D’une certaine manière, en jouant le rôle crucial de l’observateur, M. Night Shyamalan révèle le pot-aux-roses bien trop tôt pour pouvoir laisser le spectateur déployer son imagination autour de cette expérience fantastique. C’est très souvent le cas chez lui et on peut ainsi s’étonner de l’indulgence qu’une partie de la critique exprime au sujet de cet auteur un brin surcoté. Il réussissait à faire davantage peur en filmant en gros plan le visage effaré de Haley Osment (souvenez-vous « I see dead people  » ) qu’en se livrant à une surenchère d’effets sonores et spectaculaires, destinés à prendre au piège le spectateur, cobaye d’une expérience qu’il n’a pas forcément souhaitée, telle qu’elle est présentée en mise en abyme de l’histoire de Old. M. Night Shyamalan confirme ici dans Old l’essence de son cinéma, celle d’un petit malin qui observe les moeurs de ses contemporains, de loin, sans y participer et surtout sans vouloir s’y investir.

2.5

RÉALISATEUR : M. Night Shyamalan
NATIONALITÉ : américaine
AVEC : Gael Garcia Bernal, Vicky Krieps, Thomasin McKenzie, Alex Wolff
GENRE : Fantastique, horreur, thriller. 
DURÉE : 1h48
DISTRIBUTEUR : Universal 
SORTIE : le 21 juillet 2021