Une nouvelle saga italienne, une de plus. Depuis le film séminal, Nous nous sommes tant aimés d’Ettore Scola, influence ouvertement revendiquée de Nos plus belles années, la saga romanesque devient presque un genre en soi dans le cinéma italien. Après avoir connu le succès en Italie (Juste un baiser) et recherché la reconnaissance internationale aux Etats-Unis (une parenthèse de quatre films dont deux avec Will Smith), Gabriele Muccino revient peut-être pour de bon en Italie et s’attaque à la saga italienne sur la thématique la plus usitée, l’amitié. En dépit d’un ineffable air de déjà-vu, Nos plus belles années fonctionne de manière incontestable, comme si la sédimentation des années qui passent en un résumé de deux heures était une recette qui ne manque jamais de produire son effet sur le spectateur.
Des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, dans les années 2020, à Rome, Cinecitta, Naples et dans leurs environs. Le film suit les trajectoires croisées de quatre amis, trois hommes et une femme : un avocat opportuniste qui se sert de ses relations pour grimper dans l’échelle sociale, un apprenti comédien qui essaie de se reconvertir dans la critique de cinéma, un modeste professeur qui court après l’amour de sa vie, une beauté blonde qui ne sait pas dire non aux sollicitations diverses et variées.
En tant que description de parcours de vies, Nos plus belles années ressemble malgré tout à un joli voyage, Muccino faisant preuve d’un certain savoir-faire, à défaut de génie.
Après avoir été un peu l’homme à tout faire de Will Smith (A la recherche du bonheur, Sept vies) et goûté aux joies (ironie) du mercenariat hollywoodien, Gabriele Muccino essaie de revenir dans le cinéma italien par la voie la plus large et empruntée, celle de la saga romanesque. Nous nous sommes tant aimés demeure l’un des chefs-d’oeuvre tardifs du cinéma italien, dans les années 70, à l’époque où ce cinéma connaissait ses derniers véritables coups d’éclat. La recette demeure presque toujours la même : trois hommes et une femme, qui traversent une longue période de temps, en étant confrontés à l’histoire et la politique de leur pays. On retrouvera les mêmes ingrédients dans Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana et également dans Romanzo Criminale de Michele Placido, où l’on retombe même (coïncidence extraordinaire) sur les trois mêmes acteurs masculins que dans Nos plus belles années. En revanche, le film de Muccino a peu de choses en commun avec le film éponyme de Sydney Pollack, hormis l’aspect de fresque-chronique sur une certaine période de temps, qui insiste davantage sur l’histoire d’amour romantique.
Par conséquent, qu’apporte Muccino à la tradition de la saga italienne? Peu de choses, en fait. 1) Dans la première demi-heure du film, les personnages brisent le quatrième mur, en s’adressant directement aux spectateurs. 2) Muccino double et condense la période de temps, passant de 20 ans pour Nous nous sommes tant aimés, à 40 dans son film, ce qui a pour effet de précipiter les vingt dernières années dans la dernière demi-heure du film. Hormis cela, le film souffre d’une surenchère de variété italienne (il faut vraiment apprécier le genre pour goûter le film) et surtout d’un parti pris qui peut surprendre et choquer : à partir de l’âge de 20 ans, les protagonistes sont interprétés par des acteurs qui ont entre 45 et 55 ans. L’on sait qu’il est plus facile de vieillir des acteurs que de les rajeunir, ce qui explique que la solution adoptée par Muccino pour remédier au passage du temps puisse déstabiliser pendant une bonne partie du long métrage, par son manque de crédibilité. Pourtant il faut avouer que sur plus de deux heures, la nostalgie et la sédimentation du passé fonctionnent, en dépit de tous les défauts précités, et que par conséquent, le dernier quart d’heure se révèle assez émouvant, en particulier lors de la séquence du restaurant, les personnages s’étant perdus de vue puis retrouvés, et passant ensuite le relais à une nouvelle génération. Certes, on n’aura guère appris de choses sur les intermittences du coeur, les amitiés trahies et les reniements personnels, tout cela étant affecté d’un terrible air de déjà-vu, mais en tant que description de parcours de vies, Nos plus belles années ressemble malgré tout à un joli voyage, si l’on passe outre les quelques défauts indiqués, Muccino faisant preuve d’un certain savoir-faire, à défaut de génie.
RÉALISATEUR : Gabriele Muccino NATIONALITÉ : italienne AVEC : Pierfrancesco Favino, Micaela Ramazzotti, Kim Rossi Stuart, Claudio Santamaria GENRE : fresque romanesque, drame DURÉE : 2h15 DISTRIBUTEUR : ARP Sélection SORTIE LE 29 décembre 2021